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2022-04-15T13:30:15+02:00

Quid de 'Quo vadis?'

Publié par montanié julie

en texte intégral, 703 pages, publié en livre de poche, Classiques, avec le sous titre "Roman des temps néroniens", traduction de B. Kozakiewicz et J.L de Janasz, revue et complétée par Maria Zurowska, Introduction et Notes d'Yves Avril, 2001. 

Rien à dire sinon: un livre aussi  parfait que possible (- ouvrage publié sous la direction de Michel Zink et Michel Jarrety-). La version parfaite avant celle-là à mes yeux, était la première que j'aie possédée, jamais relue. Sûrement un cadeau de Noël. "Quo vadis?" traduit par Roger Allard... pages jaunies,  une couverture rouge dont soleils ou pluies ont souillé la tranche qui portait en caractères dorés titre et nom d'auteur. Achevé d'imprimer le 20 septembre 1961. Edition hors commerce réservée aux membres de la Guilde du Livre et de la Guilde des Jeunes. Je n'avais gardé souvenir ni de l'histoire d'amour, ni des tortures infligées aux chrétiens dans l'arène du cirque. Par contre, impression très nette gardée tout au long d'une vie  de la leçon de courage dispensée par Pétrone, condamné au suicide par Néron. Pétrone n'était pas un goinfre, à l'inverse des autres Romains et sa mort obligatoire devait avoir un rapport avec sa carence d'instinct, son manque de bestialité.

La carte d' entrée est magnifique dans son tracé de méandres noirs, blancs, grisés ("La Rome de Quo Vadis"). Elle confronte deux enceintes. L'une en trait gras continu est celle de Servius Tullius -VI ème siècle avant J.C - , l'autre en pointillé dessine l'enceinte aurélienne (III ème siècle après J.C). Sept siècles pour une superficie de capitale augmentée d'un tiers sinon de moitié...  Les dénominations françaises de lieux et personnages romains y sont recensés: Janicule, Esquilin, Quirinal, Capitole, Jardins d'Agrippine, Jardins de Pompée, Jardins de César, Jardins de Mécène, Jardins de Salluste, Amphithéâtre Flavien, Cirque de Caligula et de Néron, Etang d'Agrippa ,Thermes de Néron, Thermes de Dioclétien, Tibre.  Les portes et rues  sont presque toutes en latin, comme les deux "Campus": Vaticanus et Codetanus (? avec point d'interrogation). Porta Portuensis, Porta Septimania, Porta Flaminia, Porta Ostiensis, Porta Raudusculana du côté Ouest. Porta Salaria, Porta Nomentana, Porta Collina, Porta Viminalis, Porta Esquilina, Porta Asinaria, Porta Latina, Porta Appia, Porta Capena, Porta Viminalis à l'Est de la carte.  Et la Via Salaria Vetus,  la Via Flaminia, la Via Lata. Voies et portes qui se jouxtent partagent le même nom.  La Via Appia donne sur la Porta Appia. La Via Latina débouche sur la Porta Latina. Via Salaria Vetus et Via Salaria Nova convergent en angle pour se prolonger sur la Porta Salaria. Via Nomentana et Porta Nomentana vont ensemble, de même que la Via Asinaria et la Porta Asinaria,  que la Via Septimania et la Porta Septimania.  La Via Trigemina se combine à la Porta Trigemina. 

L'introduction de Pierre Avril précise que le texte original donne sites et voies romaines tantôt en latin, tantôt en transcription polonaise. Cette variation conservée par la traduction française, est enregistrée sans doute par la carte. On y trouve aussi des mots à chercher dans le grand Larousse en 7 volumes:  "Naumachie Vaticane, Naumachie d'Auguste." Pour le Larousse, une naumachie est la représentation d'un combat naval,  le bassin où se donne cette représentation.  Sens 1 (attesté chez Michel de Tours en 1520 ): chez les Romains, spectacle de combat naval, donné dans un emplacement ménagé à cet effet.  Sens 2: excavation aménagée, souvent dans l'arène d'un amphithéâtre, pouvant recevoir de l'eau et permettre de ce fait l'organisation d'un spectacle [ Exemple :"L'on nous fit voir aussi les restes de l'amphithéâtre romain et de la naumachie (Gautier)"]

L'auteur de l'avant-propos commente le succès de "Quo Vadis?" dans la Revue Blanche, en juin 1900. Un an plus tard les éditions (chacune de 500 exemplaires) sont 340. En 1903, 200.000 exemplaires sont publiés. La critique, en revanche est abominable. Catholiques, historiens, nationalistes français anti-slaves ont vu dans  le roman une suite d'hérésies ou plagiats de Chateaubriand, Renan, Flaubert, Alexandre, Dumas, Bulwer Lytton, sans oublier "Fabiola" du cardinal Wiseman. Cependant les traductions, pièces de théâtre, un opéra, des parodies ont afflué avant une dizaine de films sur le canevas du roman, tournés à partir de 1913. 

 Courte bio de Sinkiewicz, né en 1846, fils de propriétaire terrien. Etudes d'histoire à Varsovie, séjour de 4 ans aux USA, publication d'une trilogie au succès immense (1883-1888)  qui précédera le triomphe de "Quo Vadis?" lié à l'octroi du Nobel en 1905. Sinkiewicz a vécu la première guerre mondiale en Suisse et il est mort à Vevey en 1916. 

Yves Avril voit Sinkiewicz comme un peintre. C'est "le Delacroix de la littérature polonaise", "le Zola du roman historique". Il n'a rien d'un psychologue, en revanche. Les parties de Rome (voir la  carte plus haut) où entraîne l'intrigue sont les salles "de musée où il expose ses vastes compositions tourmentées" (p.10).  Un roman chrétien? "Le christianisme y est essentiel, les personnages qui l'incarnent représentent nettement le Bien (...) mais ils sont moins colorés ou moins vivants que Néron ou Pétrone" (p.11). "Ce qui est exposé de la doctrine chrétienne concerne surtout les commandements de charité, d'attention au prochain, l'espérance d'une vie après la mort. Les années vécues aux côtés du Christ, les grands moments de l'Evangile sont évoqués avec émotion par Pierre, le grand Témoin mais on ne nous fait pas revivre la vie quotidienne de ces premiers chrétiens. Le baptême est présent mais on ne voit pas d'agapes ni d'eucharistie [...] . Aucun miracle [...]ou plutôt le seul miracle reçu comme tel par le héros, la victoire d'Ursus sur l'aurochs, est explicable par la force extraordinaire du personnage.[...]" (p.11). La traduction du livre de poche 2001 est celle de la Revue Blanche, "la seule approuvée par l'auteur" (p.12) ? Il a existé deux traductions complètes, dont une de Halpérine Kaminsky qui a donné son nom -polonais- à un prix bien connu de traducteurs français.

 Enfin, le volume comporte trois pages de titres pour trois parties. C'est un ajout. Ils sont courts, efficaces, parlent aussi net que la carte de Rome en début d'ouvrage. "Dans la version originale, les chapitres n'ont pas de titres. Nous avons reproduit, entre crochets, ceux qui se trouvaient dans la première édition du Livre de Poche, pour faciliter la recherche des lecteurs." (p.12)

Le parti pris d'éclaircissement se prolonge en bas de page. "Les mots latins dont Sienkiewicz a émaillé son roman apparaissent ici en italique et sont expliqués en note, si l'auteur ne les commente pas lui-même dans le texte." (p.13)

 Mes sous-sols préférés: "Uri: aurochs ou bison d'Europe" qui est la note 1 du passage "Vinicius avait souvent vu dans les cirques ces terribles 'uri' amenés des forêts du Nord, que les vaillants 'bestiarii' ne chassaient qu'avec crainte et qui ne le cédaient qu'aux seuls éléphants pour la masse et la force". (p.284).

La note 2 sur Spartacus, "l'esclave thrace qui prit, en 73 av. J.C. la tête d'une révolte d'esclaves et de gladiateurs, et menaça sérieusement la puissance romaine. il fut finalement écrasé par Pompée en 71. la répression fut impitoyable", qui explicite le passage: "Depuis des années, le spectre d'une révolte d'esclaves hantait Rome [...] par centaines de milliers, les esclaves rêvaient des temps de Spartacus et n'attendaient qu'une occasion pour prendre les armes contre leurs oppresseurs et contre la Ville. Et voilà que l'occasion se présentait." (p.418)

La note 2 ["En signe d'heureux présage"] qui éclaire la phrase: "A la porte du triclinium, des adolescents aux cheveux bouclés couronnaient de roses le front des arrivants, les avisant, selon la coutume, de passer le seuil du pied droit." (p.676)

L'évocation du "signe de LA croix" comme dans la poésie d'Apollinaire et non du "signe de croix" , syntagme cher aux catéchistes. "Il m'a dit qu'il viendrait à l'amphithéâtre bénir les suppliciés. Je voudrais le voir au moment de ma mort, et voir le signe de LA croix". (p.544)

La psalmodie de l'arène: "Ave, Caesar imperator/ morituri te salutant" et sa traduction en note 1, p.548. 

La note 1 montrant "Sénèque [en] originaire d'Espagne" qui commente:  "Les nerfs ibériens de Sénèque, plus résistants que ceux de Chilon..." (p.566). Chilon est grec, pas espagnol. Les Grecs sont plus délicats, ils ont les nerfs plus fragiles.

La note 2 sur le "dorien", "un des dialectes grecs, avec l'ionien-attique ou l'éolien. Il s'agit ici du dorien littéraire, employé dans la lyrique". Le fragment de texte auquel il renvoie est : "Eux, étendus côte à côte, écoutaient le poète qui chantait les amours des pâtres dans le dialecte musical des Doriens." (p.573)

La sentence "Hic Abdera" (p.593) expliquée en note 1, disant la chose suivante:" expression proverbiale qui signifiait: 'Voici le roi des imbéciles'. Les habitants d'Abdère (Thrace) avaient la réputation de manquer particulièrement de vivacité d'esprit."

La note1 sur la "Domus Aurea". Laquelle a été construite à Rome "avec la sueur et les larmes des hommes" (p.666) . "Maison d'Or : palais splendide construit par Néron pour remplacer la Domus Transitoria dévastée par l'incendie. Sa description se trouve dans Suétone (Néron, XXXI). Ce palais, qui avec son parc, ses champs, son étang, s'étendait du Palatin à l'Esquilin en englobant une partie du Caelius, était également un véritable musée où Néron avait réuni quantité d'oeuvres d'arts, dont une grande partie venait de Grèce. Une statue colossale de Néron en dieu-soleil se trouvait à l'entrée, près de ce qui sera le Colisée." (p. 666)

La mention de la "mora" (une coutume évoquée par Apollinaire encore, dans "Alcools": " les humains connaissent tant de jeux: l'amour, la mourre... la mourre, jeu du nombre illusoire des doigts") Note 1: "La mourre: jeu fort pratiqué par les Romains et les Italiens." (p.43)

LEs supplices du cirque décrits dans "Quo Vadis?" sont atroces et les descriptions de festins/banquets/ débauches qui mènent la jeune fille Lygie à s'enfuir en début de roman, ne le leur cèdent en rien. Voilà pourquoi - banquets romains-sinkiewiciens en tête depuis l'âge du collège- , j'ai ouvert "Recettes romaines" de René Husson, Philippe Galmiche, éditions Fleurine, 2020, Saint-Affrique, pour consulter un ouvrage marqué tant par son souci écologique (logo imprimvert) que par une appartenance régionale revendiquant une fidélité à Rome tempérée par le protestantisme et surtout le catharisme. Lequel se distinguait de la permissivité catholique pour blâmer: gourmandise, goinfrerie, goût du luxe, de la luxure, mise à mort des animaux et autres crimes charnels. J'ai relevé au fil des pages un Plat du gladiateur (ragoût orge et lentilles), (p.69). Un Agnum Particum 'agneau à la Parthe', d'après Apicius (p.89). Des Brochettes du légionnaire (foie ou rognon), (p.94). Un Pullus tractogalatus, pâté de poulet (chair de poulet cuit, oignon, pain de mie, lait, miel, huile d'olive, cumin , coriandre, vin blanc), (p. 119). Une note explique: "Il y avait également des poulets sacrés qui servaient d'augure avant les grandes batailles." Utilisait-on leurs dépouilles en cuisine? Sans doute pas. Un Régal de Diane (cuissot de sanglier), (p.121).  Un Tiropatinam de Bacchus (qui est un flan au mulsum), (p.150). Une Acetaria de panais (salade de panais), d'après Apicius (p.49). Du Moretum (fromage à l'ail et l'huile d'olive) d'après un pseudo Virgile (p.45).  Un Soufflé au laurier-sauce d'après Caton (fromage blanc, farine, 4 feuilles de laurier-sauce, 2 oeufs) (p.47). Du Cepae (salade d'oignons) -oignons, garum, vinaigre, huile d'olive, sel, poivre - ainsi commenté "Les soldats de la République attribuaient leur force et courage à la consommation courante d'oignons." (p.51).

Plusieurs auteurs gastronomiques ont été compilés pour ce volume de 161 pages, trouvé dans le secteur librairie d'un musée suisse cet automne, en même temps que deux BD: - "Aimeric, un enfant au coeur d'une abbaye" de Julie Roux et Gemma Sales, 2011, histoire d'un petit oblatus, et -"Saint Maurice des plaines du Nil... aux dangers des Alpes", 2007 qui conte une histoire de Légion thébaine. Les écrivains témoignant de la frugalité de leur temps ou milieu  romain sont: Cicéron, Virgile, Sénèque, l'agronome Columelle, Apicius Marcus Gavius, Athené, Caton le Censeur, Discoride Penanius, médecin militaire d'origine grecque, Horace, Lucullus Lucius Licinius, Martial Marcus Valerius Martialis, Petrone (Petrone Petronius Arbiter, l'arbitre des élégances qui meurt si harmonieusement dans "Quo Vadis?"), Pline le Jeune, Pline l'ancien et Varron Marcus Terrentius Varro. 

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