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2019-05-30T20:33:17+02:00

Le fusil et la robe

Publié par montanié julie

Vu pour la deuxième fois en quelques jours "Sibériade" -1978-  de A. Konchalovsky - à Lumière -. Dans la première partie, la ravissante héroïne au physique varègue avance en forêt, un fusil sur le dos, elle est habillée d'une étoffe lourde et grossière mais sous sa veste/ touloupe, elle porte une longue jupe. Elle entend des bruits, un craquement de brindilles, elle se fige d'inquiétude. En effet, un homme, un très vieil homme la guette dans le feuillage. Est-ce de lui qu'elle a peur? S'il l'agresse, va-t-elle tirer? D'ailleurs, c'est déjà la Révolution en Russie, comme le montrent les scènes suivantes, en forêt toujours et dans les maisons de bois qu'on ose à peine nommer village tant il y en a peu. Deux, on dirait: celle des Solomine "riches, avares, attachés à leurs prérogatives", celle des Oustioujanine, "pauvres, rebelles, idéalistes". 

Dans "J'ai fui Bucarest" de Francine Bibéria - Arthème Fayard, 1957 -le chapitre VI intitulé "La trucatruca" voit arriver les Russes dans un château campagnard. Tout commence par un rêve: la narratrice attachée  à un poteau en forêt est entourée de soldats qui frappent sur des tambours, un canon pointé sur elle… Le rêve cède place à la réalité, on la secoue, les occupants sont là, ils vont casser la porte. La maison est encerclée par les soviétiques en uniformes verts, larges bottes, bonnets de fourrure, voitures américaines (!) "avec, sur les côtés, des animaux peints: un ours, une tête de cerf et, sur toutes, une grosse étoile rouge". Le château est réquisitionné comme le traduit un policier roumain qui escorte un officier russe. Surtout préoccupée par l'idée d'évacuer deux vieillards infirmes, ses grands parents et son fils nourrisson encore dans sa voiture, elle parlemente avec un colonel, sort du château, y revient pour trouver la dévastation. Elle pénètre dans la "chambre toujours fermée qui a été celle de mes parents". " Dès le seuil, je recule d'horreur: au milieu des meubles saccagés, sur le grand lit, deux couples, côte à côte, font l'amour; ce sont tous les quatre des soldats au crâne tondu, et je comprends soudain que, sous le même uniforme vert, il y a des femmes aussi bien que des hommes.". Dans une chambre attenante, l'armoire à vêtements a été vidée… Quelques chapitres plus loin, le 12 mai 1948, après un mois de prison, après une entrevue de près de deux heures avec Anna Pauker en personne, qui propose un marché: profiter "de son intelligence, sa culture, son sens des affaires" en s'instruisant auprès d'elle au Ministère des Affaires Etrangères, puis partir en mission à l'étranger, en continuant de profiter du luxe dont elle a l'habitude… une dernière "nuit de folie au cabaret" conclut des adieux à Bucarest, quitté clandestinement sans revoir Anna Pauker ni d'ailleurs Petru Grozea (sic). "Pour ne pas pleurer, il me faut boire, rire, danser […] je mets ma robe préférée, en taffetas bleu marine et garnie de rubans; je me couvre de bijoux, je prends mon manteau de vison, mon chapeau à fleurs et ma voilette. A toute cette parure et à la femme qui la porte, je veux dire adieu." [chapitre " Adieu Bucarest", p.181]. Avant d'atteindre Vienne, il y aura des trajets en train et plusieurs jour de marche, vêtue de "lourds habits de paysanne", les pieds tuméfiés dans des bottes qu'il est impossible de remettre une fois ôtées tant les jambes sont enflées. Une infection s'ensuit mais l'amputation est évitée. Il y a un bref passage par l'hôpital Rothschild, des soupes populaires au Rathaus, une embauche salariée à l'emballage des paquets, coopérative américaine d'approvisionnement. Nourrie à midi, le soir une petite paye, et un "paquet d'aliments, de savon, de cigarettes."

Je viens de découvrir que F. B était née en 1919 et qu'elle a émigré au Brésil où elle a fini sa vie. Je n'ai jamais rien su sur elle (trouvé son livre dans une boîte de bouquiniste, il y a presque cinquante ans). 

 

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