Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

2013-08-07T20:24:47+02:00

'Jeanne' de Jacqueline de Romilly

Publié par montanié julie

Si le bon livre est celui qu'on lit d'une traite en dépit de l'heure... J'ai commencé "Jeanne" il y a deux jours à 23h 30 et je l'ai terminé le lendemain avant deux heures du matin. Aujourd'hui encore, j'y ai pensé toute la journée... Même en feuilletant au réveil la BD d'Elisa Giacomotti et Geoffrey Gillespie: "Le train de Montenvers. La mer de Glace" dont les premiers personnages ont des doudounes si joliment renflées par les crayons des dessinateurs mais des pulls à motifs norvégiens sans fluidité ni souplesse...La BD cite Chateaubriand, elle mentionne Marie Shelley qui a tiré l'idée du décor de Frankenstein de la mer de Glace, ce dragon à langue sinueuse: une langue ruisseau au débit bleu. Concernant les quelque 250 ouvriers italiens (dont des garçons de 14 ans) qui ont préparé les terrassements de la future voie ouverte au  train, la BD met un bas de page. Des ritals. La note explique: "Rital: réfugié italien. En 1894, suite à l'assassinat du Président français Sadi Carnot par l'anarchiste italien Geronimo Caserio, le racisme (sic) anti-italien est exacerbé." Pourquoi "racisme" et non "xénophobie"? Mais la BD m'a plu, avec sa locomotive verte et son premier wagon rouge sur fond de glaces éternelles en  première de couverture...

Pourtant j'ai continué de penser à "Jeanne", à son mari Maxime tué d'une balle dans la tête à sa première sortie de tranchée, dès sa première journée de guerre -14-18. D'ailleurs, je viens de parcourir sur internet une recension de Marc Fumaroli de l'Académie Française comme Jacqueline de Romilly. Il a trouvé aussi en 2011 lors de cette publication posthume (J. de Romilly est morte en 2010) que "Jeanne" est un chef-d'oeuvre. Et je me suis félicitée d'avoir acheté ce livre dimanche dans la rue principale de Chamonix où davantage de gens léchaient des glaces en cornets qu'ils ne se ruaient sur les tourniquets proposant des bouquins enfin en poche.

Ce que j'ai préféré dans le portrait de Jeanne? Qu'elle soit dès la première page "la jeune fille au bracelet d'argent". Qu'elle couse elle-même les robes de sa progéniture, rien que des ravissantes robes...Qu'elle collabore à la fin de sa vie avec une jeune écrivaine pour rédiger des livres destinés aux enfants. Qu'elle prenne sa voiture pour satisfaire un caprice de sa fille âgée de 13 à 18 ans: aller voir comment la mer brise ou se brise (une adolescente tombant dans Homère sur un terme à traduire par "brisant" et exigeant de voir une côte normande ou monégasque pour  voir/savoir comment ça se passe vraiment, sous peine de rater prix au Concours général, entrée à l'ENS?). Qu'elle attende que le bain dure comme on désire, laisse macérer dans l'eau à volonté, en écrivant dans sa voiture jusqu'à ce que la jeune fille intime l'ordre de redémarrer. Qu'elle ne stationne jamais à table mais dépose sur des tables roulantes la nourriture à picorer et faire picorer (Il n'y a qu'à voir les vidéos sur internet pour constater combien toute sa vie Jacqueline de Romilly est restée mince). Qu'elle préfère les appartements ensoleillés. Qu'elle soit démolie pour la journée, une fois rudoyée par sa bonne -espagnole-. Qu'elle s'improvise traductrice publiée de l'anglais sans connaître au départ un mot de cette langue. Qu'elle récolte cinq pages ou davantage: un album de critiques collées les unes à la suite des autres à la publication de son premier  roman. Qu'elle fasse fortune en plaçant habilement son argent puis en le retirant à point nommé quand autour d'elle, tous se ruinent, y compris les mieux conseillés.

Conte de fées.

Nathalie Sarraute aussi a eu une mère romancière à succès. Elle en dit moins de bien. Ou son  propos à ce sujet aurait-il le même sens? Apollinaire a écrit un poème sur les colchiques inversant l'ordre des priorités: mères de leurs mères, filles de leurs filles ou quelque chose d'approchant. Ginsberg a écrit un kaddish pour sa mère mais c'est une autre forme de jeu avec la notion de genre, de religion, de linguistique. Si "Jeanne" me semble appeler le terme: "parthénogenèse", c'est que nul père n'est à l'origine de la naissance de ce récit idéalement terminé, la fille helléniste rejoignant sa mère, fille d'helléniste dans ou après l'écriture romanesque de (leur) commune éternité.

 

 

Voir les commentaires

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
commentaires
M
neant
Répondre

Girl Gift Template by Ipietoon - Hébergé par Overblog