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2021-02-05T14:44:26+01:00

Au ras des pâquerettes

Publié par montanié julie

C'est-à-dire "ça vole bas" et autres expressions aimables censées reprocher aux personnes compliquées, instruites plus qu'elles ne le méritent, leurs chichis, leurs ergotages pollueurs de réel - cherchez le piston ou le fric à l'origine de leur savoir, ridiculement assimilé  parce que leurs  capacités cognitives innées, c'est une passoire de niveau très inférieur -. 

Hier, sur internet, je suis tombée sur trois brèves séquences impossibles à retrouver. Dommage que je ne puisse donc pas en indiquer la référence. Une députée s'est fait traiter par un confrère, en pleine Assemblée nationale, de "poissonnière". Une autre, moins de quarante ans comme la première, s'est fait lancer, à son arrivée à la tribune: "Toujours le même hôtel, même heure?" Elle a seulement dit, très calme avec son accent du midi: "C'est un goujat!". Une troisième a fait observer que c'est ce que subissent chaque jour les femmes "dans ce pays". La première a expliqué que l'injure "poissonnière" date de la Révolution française. Elle visait alors des femmes prenant la défense du peuple. Franchement, dans un  tel contexte, qui peut avoir le courage de "faire de la politique"? Juste après, j'ai regardé Aurélie Filippetti, en train d'expliquer à l'antenne à propos de  l'affaire de "La Familia Grande", qu'elle a tenté d'alerter la hiérarchie  de Sciences Po, où elle fait cours, sur cette histoire d'inceste. Elle aussi est plus que sympa. Et la voilà embarquée, en qualité d'agrégée de lettres classiques  ex-ministre de la Culture, à expliquer aux élèves de sombres histoires d'Atrides, d'Oedipe, de Phèdre, en somme à tenter de présenter sous un juste jour culturel des comportements criminels et le jugement qu'ils ont suggéré à la Psychologie et l'Histoire ... Comme pour se dédouaner d'avoir réussi jadis  l'agrég de lettres classiques, matières dans lesquelles Matzneff a (presque) une licence. 

Ce matin, l'herbe du Parc, une éponge verte entretissée de brun: la terre humide de la pluie des derniers jours... On y apercevait des dizaines, des centaines de crocus violets, l'équivalent des perce-neiges blanc et or observés pour la première fois il y a environ vingt ans au bas des pentes de Chamrousse, vers mars ou avril, alors que je longeais à raquettes la lisière neige/ prairie, faute de pouvoir skier. Autour de moi, devant moi, des hordes d'enfants, de gens jeunes, moins jeunes, avec leurs gracieuses figures, leurs puissants dérapages, leurs slaloms légers, leur godille sèche,  une cadence rockabilly, toutes ces afféteries, ces raffinements  serpentins, mutins, exhibitionnistes, frimeurs du ski du piste, révélateur de milliers d'heures usées à parfaire un style, grâce à des muscles parfaits, des os durs, élastiques que je ne possèderais plus. On venait de m'opérer, donc de me sauver la vie. Je pouvais m'estimer heureuse de pouvoir à nouveau marcher, marcher, oui, sans doute pour des années, avancer sur des raquettes, respirer cet air glacé, sentir sur mes avant-bras nus un soleil adjuvant de vitamine D. Puis m'asseoir de temps en temps sur un haillon de terre et d'herbe pour dessiner ces crocus, légères tiges transparentes qu'un effleurement briserait, de même que ces os de verre, de calcaire, d'albâtre mou à l'intérieur d'un corps atteint par une maladie que venait de me retirer un chirurgien aux yeux et doigts de génie - vue la petitesse de la glande-, suite au diagnostic du spécialiste plus génial encore qui avait trouvé du premier coup pourquoi je m'étais fracturée pour un rien et aussi dur. Une maladie, je crois, plus fréquente chez les femmes.

A part les crocus violets, il y avait  ce matin au Parc des pissenlits frais, jaunes, tout tendres, dans les aires  à demi-sauvages où pousse une herbe non tondue, délimitée par des barrières à cordes et poteaux, gardées  ainsi depuis le premier déconfinement. Puis les magnifiques col- verts du Jardin alpin... Les palmipèdes au bec et palmes assortis (un orange défraîchi) qui s'égaillent de-ci de-là, faute d'avoir recomposé la belle discipline admirée au printemps (tous tournés vers le soleil,  comme des prêtres incas).

Vont-ils - c'est-à-dire les responsables du Parc, qui règnent sur les petites bagnoles écolos,  qui prennent soin des allées, vertes, aristocratiques, épluchées par des ingénieurs , techniciens en uniformes élitistes - draguer l'eau du lac, comme ils l'ont fait l'an dernier, et en extirper peut-être - comme l'an dernier à partir du Rhône - des tonnes de trottinettes, de portables contenant des métaux pire que radioactifs? Si c'est le cas, cette année, ils se retrouveront sûrement à remonter des kilos de masques...

J'ai lu ces derniers jours  "L'année du Singe" de Patti Smith (traduit de l'anglais - Etats-Unis- par Nicolas Richard)/ "Year of the Monkey", Patti Smith, 2019, Gallimard pour la tr.fr. 2020. Je l'avais acheté en songeant à Jane Birkin et à son "Munkey diaries" paru chez Fayard en 2018, lu aussi il y a deux ans. Pas renversant mais intéressant, le livre étonne d'entrée par son incroyable distance émotionnelle. Une froideur égale face aux gens et choses, une politesse hippie: elle salue le premier de l'an depuis la baie vitrée de sa chambre d'hôtel vide, avec vue sur la mer. Une absence d'émotion face aux affronts dont on se demande si c'est celle de la dépression. Un couple l'embarque en co-voiturage à une condition: ne pas dire un mot du trajet (prépayé).  Ils ont préenregistré une liste musicale si belle qu'elle glisse deux mots d'émerveillement. Le conducteur stoppe, ouvre sa porte et la jette dehors. Elle s'excuse, ils la reprennent. Plus tard, ses covoitureurs s'arrêtent pour un arrêt technique. Elle se débarbouille dans les toilettes avant de rejoindre la voiture qui détale à son arrivée et l'abandonne, en proie à une  détresse qu'elle ne semble pas ressentir. Il en va de même pour un ancien amant. Lui la plante dans la poussière du désert où elle marche des heures, sans rien en vue. Cette traversée de l'Amérique est-elle un rêve? Bon, mauvais, un cauchemar? On dirait. L'Amérique de l'année des 70 ans de Patti Smith et celle de Trump, en train de parvenir à se faire élire. Le chapitre s'appelle "Grand roux" et il se réfère à "un escroc [qui] prétendait  briguer les rênes du pouvoir tandis que des boules de confusion nous arrivaient dessus, des dizaines de calots d'acier qui roulaient sous nos pieds, nous faisaient trébucher, nous maintenaient en équilibre. Les nouvelles s'abattaient sur nous et les esprits turbinaient pour essayer de comprendre quelque chose à la campagne d'un candidat concoctant des mensonges à une telle vitesse qu'on n'arrivait ni à suivre, ni à s'en détacher" (p.29). Comme un critique dont je n'arrive pas à retrouver le texte, j'ai noté la netteté et le côté appétissant des descriptions culinaires. Des mets bizarres quoique simples, élémentaires, pourtant raffinés. Des trucs américains sans heure, couvert, ni posture (avalés au réveil) dont la sophistication se confond avec un exotisme gauchiste respectueux du design. Des haricots noirs et des tacos au poisson. "J'ai pris un petit déjeuner à la japonaise dans une boîte laquée oblongue" (p. 67). Des spaghettis aux oeufs de poisson volant dont elle précise qu'un cuisinier les "lui prépare" (comme si elle était Coco Chanel et lui Bocuse), quoiqu'elle se trouve dans une gargote de bord de route. Des en-cas partagés avec son animal de compagnie. "La chatte se frottait contre mon genou. J'ai ouvert une boîte de sardines, lui ai haché sa part, puis j'ai coupé les oignons, fait griller deux tranches de pain d'avoine et je me suis préparé un sandwich" (p.82).  Des oeufs, des oeufs, des oeufs, qui vous font/ feraient traverser des frontières, ou prendre l'avion - d'où sans doute, chez cette écolo, ce soin à vous en confier la recette, par delà l'Océan-. "Au matin , j'ai bu deux verres d'eau minérale, brouillé des oeufs avec de la ciboule et mangé debout" (p.69), "Une femme nous a servi du café et deux assiettes de huevos rancheros avec des haricots revenus à la poêle et une purée d'avocats soyeuse" (p.71).  Une sympathie pour l'Asie et ses représentants, porteurs d'esthétique mémorielle. Dans le Chinatown de San Francisco "un garçon au visage rond, en pyjama, est apparu avec un verre de thé et un petit panier de raviolis fumants, puis a disparu derrière un rideau à motif floral rose et vert" (p.66). Des souvenirs d'amour qui la ramènent aux temps de la guerre du Viet- Nam tandis que son/ sa lecteur. e voit se profiler la silhouette de l'époque où elle était mannequin, apprentie institutrice disciple de Ginsberg - lui-même très écolo,- où elle concevait "Horses" (était-elle bien alors la compagne de Sam Shepard?): "J'ai repensé aux endroits où nous avions voyagé [...] Nous avions trouvé la rivière Lénine, où Hô Chi Minh s'était lavé" (p.69). Les  eaux du Gange de l'époque et de ce rêve qu'est "L'Année du Singe", commencé dans l'hôtel "Dream Inn", qui semble n'avoir rien à voir avec "I have a dream" de Martin Luther King mais beaucoup avec les "Visions of Johanna" de Bob Dylan, en première partie duquel Pattti Smith a été invitée à chanter. 

A propos d'Amérique, j'ai aussi acheté un magazine "Doc de l'Actu Play bac" dans  un bureau tabacs presse que je fréquente énormément (au point d'y prendre des bios pas chères sous couverture cartonnée, de gens dont je connais la vie par coeur, mais c'est comme le trajet dans l'existence de Lady Diana, Kate Middleton, Jackie Kennedy, pas moyen de s'en lasser... donc  j'ai acheté "Hannah Arendt, Le pur esprit qui théorisa la banalité du mal", RBA, 2020, plutôt très bien fait)...  Ce "Hors-Série, Doc de l'actu" (En accord avec les programmes scolaires - histoire-géo-anglais...) est d'octobre 2020 mais je le refeuillette sans cesse, en parallèle  des documentaires projetés sur Arte TV, regardés depuis deux mois, à l'heure du cinéma du soir, jadis passée à l'Institut Lumière, surtout pour le plaisir de marcher dans la nuit et  de sortir...  Intitulé: "Les présidents américains, de George Washington à Donald Trump". Un titre understatement car la dernière rubrique est consacrée à Joe Biden, "candidat démocrate 2020". Un de mes chapitres préférés: "Jimmy Carter", un président dont j'avais oublié les actions, jusqu'à l'existence et même le Prix Nobel de la Paix, décerné après la fin de son mandat. Un homme pas très beau auquel un rire permanent communique une sorte de grâce, qui respire la bonne volonté, le courage, le dévouement et, oui, l'intelligence efficiente même au niveau médical, dans un film documentaire projeté sur Arte aussi.... "Jimmy Carter, le président rock' n roll", 92 minutes, disponible du 20/01/2020 au 18/06/2021. Réalisation: Mary Wharton. Pays: Etats-Unis. Année: 2020. Un film où apparaît  Bob Dylan disant du bien de lui, de son intérêt pour les artistes: folk-song, jazz et sq... En effet,  Jimmy Carter a été le premier (le seul?) président persuadé de la force , de la nouveauté, de la représentativité, du charisme mondial de l'expression musicale/ littéraire américaine de son  temps. Un président qui a anticipé en somme, sinon activement préparé, le Prix Nobel de littérature de Bob Dylan. 

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