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2014-05-29T12:16:54+02:00

Venus et son coquillage

Publié par montanié julie

Nous sommes à présent face à une vitrine de musée remplie d'objets sculptés, moulés. Presque tous sont intacts et la netteté de leur modelé, de leur contours est parfaite.

- C'est quoi ?

- Vénus dans sa coquille. Vénus qui sort de la mer. C'est Vénus anadyomène...

La ville où nous venons d'arriver s'appelle Ruvo. Elle a l'air petite et ravissante. Des ruelles partent vers le centre et elles sont mouillées. Il a plu, il va pleuvoir, on a arrosé. Le sol dallé n'en est que plus noir. Les Italiens/ Italiennes qui déambulent entre les minuscules échoppes exposant des journaux, des vêtements, des légumes de toutes les couleurs, ont à la main des sacs ou des parapluies. Le nom de l'étape précédente -Besiglie - était mouillé lui-même comme je l'ai noté suite à l'observation de notre accompagnatrice, prof de khâgne. Non seulement, elle sait tout mais sa diction est parfaite. En français, en latin et, je trouve, en italien... mais je ne suis pas une référence. J'ai oublié mon appareil photo dans l'autocar ou à l'hôtel. D'un côté, c'est tant mieux, on ne produit que trop d'images de par le monde. De l'autre, c'est plus que dommage. C'est la plus jolie matinée de notre périple d'un point de vue strictement visuel. Le musée où nous nous trouvons est aussi une merveille et la jeune femme qui a demandé d'identifier la minuscule Vénus vient d'obtenir à l'entrée, l'autorisation de photographier sans limite tout objet exposé, tout panneau explicatif, tout coin de fenêtre donnant sur jardin en pluie, fleurs, feuilles, tout ce qu'on veut en bref. C'est un voyage de groupe mais il est atypique. Destination, intitulé, trajet. Je n'en dirai pas davantage car je n'ai ni demandé ni obtenu l'autorisation de révéler que le schéma-tracé-itinéraire de ce voyage - génial- a pour auteur.e exclusive notre guide. Une organisatrice me l'a dit le troisième jour mais le répéter par écrit est peut-être une indiscrétion. Ah! Ce serait autre chose si je m'exprimais face à des étudiants, entre amis, en famille. D'ailleurs, j'ai déjà commencé à diffuser l'info, oralement...

A force d'identifier 'Vénus anadyomène' avec le titre du poème de Rimbaud, je crois que j'en avais oublié l'origine mythologique de la déesse... De là à imaginer une hypothèse grotesque de moins bonne qualité que la distorsion de Rimbaud.... Et si Aphrodite/ Vénus avait été conçue par les Grecs/ Latins comme close dans un coquillage, en crustacé hypo-calorique parce que la passion amoureuse - dont dérive en partie l'approche de la beauté physique dans leurs civilisations - fait maigrir? Est-ce induire une volonté d'approche physiologico-médicale dans la figuration esthétique des Anciens?

Près d'une Anadyomène de la vitrine qui en contient plusieurs - longues cuisses regroupées sous le bassin étroit, seins généreux, épaules athlétiques - une deuxième sorte de Vénus dont les coquillages, les ailes partent des omoplates. La déesse est debout dans sa nudité adolescente, parfaite. Toutefois, ses ailes/ coquillages sont rognées. Arrachées par l'usure, par un voleur d'objet sadique, tels ceux qui mutilent les papillons vivants pour leur voler cette plus belle part de leur personne - par méchanceté ou pour les faire régresser à l'état de larves, de vers, dont ils proviennent?-

Et si la figure de l'ange chrétien, me dis-je soudain saisie d'une transe d'inspiration intérieure sans doute encouragée par le contexte studieux de l'excursion, était une simple continuation/ prolongation de la Vénus Anadyomène? Ou à l'inverse, si la Vénus Anadyomène était une simple extension de la figure de l'oiseau ou du Chérubin biblique?

Suggérée à un enfant ou un pêcheur/ philosophe de l'Antiquité, seul les pieds dans l'eau face à une clovisse, une coquille Saint-Jacques en train de bailler sur un banc de sable dont l'humidité se résorbe tandis que l'écume reflue en sens inverse, vers les côtes de l'Afrique, où l'existence a réacquis densité, salinité après le contact avec les hauts -fonds? Est-ce que l'organisme de la clovisse va survivre, restitué à l'air, transposé? Et nous revoilà engloutis dans une méditation sur les quatre éléments - air, eau, terre, feu- et leurs créatures diverses, toutes héritières de capacités déjà plus ou moins mutantes.

A l'heure du repas, tandis que les autres bavardent comme ils l'ont mérité en suivant le sens de la visite, en s'imprégnant d'explications intéressantes et de bonne tenue, tant à force d'écouter que de lire les affichettes pour leurs infos signifiantes - je me suis contentée de comparer l'anglais et l'italien en rêvassant-, je me demande in petto combien d'imbéciles dans mon genre ont déjà remâché le genre de réflexions qui ont enchanté ma matinée, au cours de siècles de fouilles, de voyages d'études en Italie, de missions, de Grands Tours de toute sorte. Les plus intelligents sont devenus archéologues, ils ont étudié la philo. Les plus rusés: romanciers, cinéastes etc. En vue d'éviter le ridicule inhérent à la formulation d'idées moins que nulles ou de clichés assimilés même par les quadrupèdes, ils les ont placées dans la bouche de personnages dont ils ambitionnaient de restituer le niveau mental: - ainsi les descripteurs de personnes déficientes (tel Steinbeck dans ' Mice and Men', lu en français bien sûr à l'époque, en poche, je crois revoir la couverture: 'Des souris et des hommes').

Plus loin, il y aura une cathédrale blanche et beige avec des vitraux beiges et bruns sans motif identifiable, à part un coulis de peinture sombre dans le verre, un semblant de froissement de tissu. Quelque part, un aigle est soutenu par un petit Atlante. On voit étinceler des écailles vitrifiées. La Madone en cuivre astiqué de l'autel (je n'ose pas imaginer de l'or mais que sais -je de l'Italie?) est saisie sur fond de niche: une conque. Dehors aussi, une Vierge était représentée tête détachée sur fond de coquillage.

A un étal de poissonnier, une dame professeur émérite commente la présence de petits rougets comme 'on n'en trouve pas en France'. A deux mètres, posé sur la glace de l'étal, je me sens toute contente de retrouver le coquillage de la Vénus Anadyomène de la vitrine du musée. Non pas des Saint-Jacques mais des palourdes. Des 'vongole' en tout cas.

 

 

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