"Azulejos" de "Azeitao" sur un panneau routier, par une fin de matinée ensoleillée. Le bus s'est arrêté pas loin. Le groupe s'est déversé dans l'atelier pour une visite/ démonstration. Deux ou trois artisanes au travail dans la première pièce. Dont l'une colore un wagon du tramway 28 à Lisbonne figurant déjà sur la page de pub de ce voyage en vente sur internet. Le motif à plus grande échelle est présent sur les murs de l'atelier, comme des vaisseaux bleus sur fond blanc rappelant les conquêtes maritimes...
La technique d'une peinture pas loin de l'idéogramme, en quelque sorte. Le décorateur procède sur 5 ou 6 pièces à la fois, trait par trait qu'il reporte sur chaque carreau. "Les dames peintres" dit la guide "disposent d'une hampe de bois où appuyer la main en travaillant. Cela évite les tendinites". On nous montre un carreau commandé par Elton John pour sa cuisine de Nice ... Une échelle des couleurs ... Le bleu venu du Japon, de Chine, le jaune du Brésil..."La dame peintre" du tram 28, peignait un seul carreau à la fois et usait d'un rouge presque brun.
L'atelier produit 30.000 carreaux par an. Une usine d'azulejos en produit 30.000 par jour. Un carreau "d'autrefois" (?) durait 600 ans, un carreau industriel d'aujourd'hui est fait pour 200 ans de vie maximum. Si une de ses faces comporte des "craquelures" (courantes dans les azulejos de jadis), il éclate. Ces carreaux servaient d'isolant extérieur (et intérieur): contre le chaud, contre le froid, contre l'humidité, c'est connu. "Quand il pleut, ils sont lavés".
Dans le jardin d'entrée -pavé - de l'atelier, un palmier au tronc volumineux, des plantes succulentes dont chaque aiguillon capte une goutte de lumière étincelante comme une larme de rosée/ diamant. Dans les" azulejos typiquement portugais" passés en revue lors de la visite, le jaune et le bleu dominaient. Les couleurs du drapeau suédois. Comme pour faire penser au roman de Selma Lagerlöf "L'empereur du Portugal". Le pauvre homme dont la fille est devenue prostituée l'imagine promue impératrice du Portugal. Si elle ne donne plus de nouvelles, c'est que c'est au -dessous de sa dignité. Bien après le déjeuner, dans une villa aux murs extérieurs tapissés de céramiques où les gens sont vêtus, coiffés selon la mode Louis XIV, le Tage est bleu comme une mer (Méditerranée) dont on verrait l'autre face. Dans les anfractuosités ou sinuosités de la carte, elle va sans doute se transformer en Océan, vert profond. Nous traversons un pont conçu pour résister à un séisme d'ampleur similaire au tremblement de terre de Lisbonne de 1755, inspirateur du poème de Voltaire.
Combien gagne une "dame peintre", une artisane/ artiste d'atelier?
"Personne ne commet d'attentat djidahiste chez nous" me dit une "dame- libraire" dans une rue de petite ville où personne ne passe, bien que la rue soit piétonne et les pierres des maisons dorées par le soleil couchant. Il reste cinq minutes avant la fermeture commerçante. "Nous sommes beaucoup trop pauvres pour tant d'agressivité"... Cette dame a l'air très doux, comme le disait déjà un vieux prof de portugais émigré de longue date, université de Montpellier - des cours d'un ennui mortel, 5 lignes traduites en un an, pas plus de trois étudiantes, j'y ai mis les pieds quatre fois pour ne plus jamais revenir ..."Les Portugais sont très doux, ils se meurent de soumission, d'humilité, de patience, ah! le petit peuple portugais", avait lancé le vieux prof. C'était au temps de Salazar. J'achète précipitamment des disques de fados dont je n'aurai que faire (disponibles sur Youtube et Spotify), plusieurs boîtes de sardines, "Poètes de Lisbonne" en édition bilingue, traduits par Elodie Dupau, illustrations André Carrilho, Lisbon Poets and Co, juin 2016. Soit: Camoes, Cesario Verde, Mario de Sa- Carneiro, Forbella Espanca, Fernando Pessoa "lui-même" et sous hétéronymes. Je prendrais bien du papier, des tee-shirts à poissons, des gommes, des stylos-billes, des crayons mais la dame libraire si douce a déjà fermé le tiroir caisse, elle va clore son magasin comme une paupière sur le soir.