Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

2021-09-30T13:48:16+02:00

Le premier des arts rejoint le cinquième/ dixième - II -

Publié par montanié julie

Au Musée d'art contemporain de Lyon, premier étage, expo de Christine Rebet ("Escapologie") visible du 15 septembre 2021 au 2 janvier 2022. 

Les six récits filmés de Christine Rebet sont à suivre à l'intérieur de six maisonnettes/ cases de béton différentes, percées de portes et fenêtres originales où la lumière pénètre, tamisée ou non. Chaque abri diffère en tout détail des cinq autres. Un est fait de légères parois translucides/ opaques, barrées de clayonnages noirs: cloisons coulissantes  de maisons japonaises ou colonnes faisant office de lampes quadrangulaires. Des écrans sertis dans l'habitat.

Tantôt en boîte TV montrant une double histoire déroulée devant deux fauteuils, à l'intérieur d'une chambre de cuir sombre frappé de plumes de paon ("The Black Cabinet" -2007-, animation sur 2 écrans filmée en 35 mm puis numérisée, son, 3'50"). Une narration de jeu montrant des  "aristocrates" en tenue de soirée, autour d'une roulette blanche et rouge. Ils sont surmontés d'un timbre poste où un garnement piétine, enragé de voir leur addiction le conduire au champ de bataille où il porte son drapeau de soldat.

Ou bien le récit s'étale sur un mur illustré de mots et images qui explosent en flaques aquarellées. C'est le cas des quatre autres films, peu intelligibles sans lecture du commentaire à moins qu'on ne se laisse guider par l'accompagnement de la bande son. 

Le premier abri -en rondins, près de la porte d'entrée - équivaut à une isba ou un chalet du Wyoming (=de Savoie, de Norvège, de Suisse). Il expose trois histoires simultanées ("Brand Band News"). C'est un avatar de manuscrit enluminé en trois états sur trois écrans, triple  échantillon d'image, mouvement, musique. "Here is the Balad of the Deserters", "Entrance Wind", "Wild Horse non stop Program", "I 'll be your theatre: Tim Bröss, expert in mystery"". La présentation dit : " 'Bullet sisters' a été composé en collaboration avec le frère de l'artiste, Frédéric Rebet, qui interprète la partition". Banjo, combinaison d'instruments de ranch? Une bonne ritournelle. "Je voulais raconter des histoires en une seule chanson. La bande originale était la narration". Des esquisses de plantes embryonnaires se penchent avec la brise, un cheval galope dans un canyon, deux filles en bleu font obéir leurs cheveux coupés carré au souffle sonore, elles ont des chaussettes assorties par paire (une noire, une claire pour chacune), elles se tiennent côte à côte en piquets de bord de route."Brand Band News" est l'une des premières animations de Christine Rebet".  Le commentaire mural conte que les soeurs ont été abattues. En quête de résurrection, elles font de l'auto-stop dans l'Ouest américain. Le vent les exauce, il les change en souffle réincarné dans un théâtre de bois, grâce à un ventriloque. 

Une seule des six cases contient des tapis de sol, sans banc, ni chaise. On y entre après avoir laissé ses souliers à l'extérieur. Il faut s'asseoir par terre. "Breathe in, Breathe out" (2019) est une animation filmée en HD, son, 7'50. Le commentaire explique: plusieurs voyages en Thaïlande de l'artiste, à Chiang Mai sont à l'origine de l'histoire. Texte extrait des "Métamorphoses" (2020) du philosophe Emanuele Coccia. Un moine descend une montagne pour incarner au passage de "multiples  anatomies" animales ou végétales.

"In the Soldier's head" (2015) est projeté dans un cube blanc orné d'un palmier en sang, assis. e sur un banc dans une pièce noire fermée par une porte. La pièce s'illumine d'un  écran aveuglant où s'enchaînent des taches roses, rouges, violettes avant l'arrivée du bleu -glacial comme la syntaxe des variations pourpre -... La bande son évoque une route trop fréquentée, des rafales d'explosions. L'animation est inspirée par les cauchemars post-traumatiques du père de l'artiste, qui a fait son service militaire en Algérie. Filmé en 16 mm puis numérisé, son, 4'25".

"Thunderbird", 2018, filmé en 16 mn, ultérieurement numérisé son, 5'40" est une histoire mésopotamienne. Son héros est "l'avatar ailé à tête de lion du dieu Ningisu"Christine Rebet interprète le mythe de l'édification d'une ville remplie de temples, suite au rêve d'un prince. Générique réussi. Fond d'aquarelle orange, couches de pinceau étagées, légères où s'inscrivent une à une des lettres noires chiffrant un à un les mots du texte... "Otolithe" reprend le procédé, sur fond d'aquarelle rose. 

"Otolithe" donc, qui figure sur l'affiche de l'expo, n'est pas le bijou mièvre et compliqué annoncé par l'alliage mauve- brun du dessin (un contour d'oeil souligné de pierres arrondies). C'est un reportage politique sur une pratique du Bahreïn, du Koweït, du Qatar "où le commerce de la perle, avant la découvert de réserves de pétrole, dans les années -30, était l'activité la plus rentable pour les capitaines de bateaux et marchands". Marins et plongeurs esclaves d'Afrique de l'Est y risquaient leur vie pour une paie dérisoire. Une pêche aujourd'hui presque disparue mais son souvenir se maintient dans des chants: "diwaniyyas" du Koweït, "dhari" du Bahreïn. "Ces chants traditionnels du Golfe Persique; ou FIJIRI" ont inspiré "Otolithe". Leur "ode au plus ancien joyau du monde" se confond avec la musique du film. Une main noire  se hisse vers le jour, en agrippant une corde. Ecrites à l'écran, des invocations- prières: " Oh Dieu/ Nous partons grâce à toi/ Conduis- nous sur les bancs où la fortune dort/ Où les pleurs des émirs reposent dans la nacre". Le film est de 2021, animation en HD, son, 4'04''. Il a été composé ,pour l'exposition. 

Christine Rebet est d'origine lyonnaise mais vit à New-York, d'où sans doute ces titres américains. L'intitulé de son expo: "'Escapologie' vient du verbe anglais "to escape" qui signifie "s'évader, s'échapper", dit la présentation générale, dans le hall. L'escapologie est l'art de l'évasion. Nulle mention du mot français "escapade" et de son sens. En dépit de quoi, la présentation de l'art de Christine Rebet se déploie en suivis cartésiens à la française, en dessins préparatoires alignés en variations progressives sur les murs autour des maisonnettes. Ainsi, le visiteur peut s'initier à la technique du genre, à  l'histoire de ce qu'on nomme aujourd'hui dixième art - digima-. C'est utile, séduisant, prévenant comme la décomposition d'un doodle irrésistible, au-dessus du cartouche Google ouvert sur votre écran. "Si le dessin est au coeur de sa pratique artistique, c'est l'animation qu'elle choisit comme medium privilégié. Son processus de création consiste à réaliser des milliers de dessins pour reproduire l'illusion du mouvement, ce qu'elle nomme son 'cinéma de papier'. Filmés selon les techniques traditionnelles des débuts de l'animation en 16 ou 35 mm, plus récemment en numérique, les films de C.R. reprennent  l'approche stylistique et musicale des premiers dessins animés [...] Elle fait référence aux débuts des séries musicales telles les "Silly Symphonies" de Walt Disney (1929-1939)" qui synchronisent une musique avec l'action à l'écran (texte de Marilou Laurenville, commissaire de l'exposition). 

Nulle part, je n'ai vu le nom du concepteur des abris-bunkers-cabanes grâce auxquels les enchaînements graphiques lilliputiens vous transportent comme dans l'ampleur d'un drive-in, dans un spectacle dilaté aux dimensions d'un stade. Christine Rebet peut-être...  L'idée est aussi bonne que celle d'une caverne platonicienne. C'est pourquoi malgré le côté dramatique des anecdotes,  on ne risque rien à regarder l'expo avec des enfants.

Voir les commentaires

2021-09-08T17:15:02+02:00

Le premier des arts rejoint le cinquième - I -

Publié par montanié julie

Par exemple dans une page du Figaro Magazine,17 septembre 2021, à découper pour afficher, démultiplier son image, grossie par des assistants aussi nombreux que les halles de travail sont vastes quand on possède un atelier gigantesque, voire un palais de campagne sur pelouse, tel celui de William Kentridge en Afrique du Sud ("William Kentridge, l'art, le poétique et le politique", Arte TV 53 minutes, réalisation: Nicolas Graef, Allemagne, 2017, visible du 24/09/2021 au 24/10/2021).

Du blanc yaourt-crème épaisse, du brun chocolat, du blond blé maïs rôti, de la pourpre fruitée, fraise rouge dehors, pulpe rose dedans, du bleu foncé myrtille... 

Le dessin rappelle un oeuf travaillé en coupe quoiqu'il s'agisse d'un verre oblong où s'accumulent deux strates de neiges principales. La première exhibe un plissement de terrain soulevant des gravats corn-flakes où quatre ballons de foot- boules- de -pétanque placent quatre touches de la vitamine renforçant la puissance visuelle (bille de myrtille= vitamine A). A l'étage au-dessus, répétition du motif avec mêmes matériaux, la seule différence réside dans les six tranches de fraises dont trois sont dressées avec paroi lisse pour escalade- corps -plaqué- au roc et trois sont couchées, offrant une prise plus immédiate aux troglodytes-fourmis tentés par l'hospitalité de leur tendre calcaire. L'article de Fabienne Haberthur titre: "Métier rare. Chroniques de bouche. Quand je ne mange pas, je peins. De l'architecture à la peinture en passant par la cuisine, il n'y a qu'un trait, celui de Camille qui croque à l'aquarelle pâtisseries et ingrédients bruts. A dévorer des yeux sans modération." Camille qui préfère garder l'anonymat est diplômée d'architecture. Son père est restaurateur à Lyon. Coincée "comme tout le monde" lors du premier confinement, sans travail, dans un appart possiblement minuscule (la deuxième photo du Figaro magazine  du 17 septembre la montre peignant en plein air, sur un coin de terrasse en rebord de toit), elle s'est "mise à cuisiner et à dessiner la nourriture en volume, de façon très réaliste". Au début, elle représentait des gâteaux dont la pâtisserie lui évoque des bâtiments. Elle préfère désormais des "ingrédients bruts: fruits, légumes, fromages" et collabore avec une marque de distribution locale circuit court ("Au bout du champ"). Elle pense ouvrir un restaurant "ou plus exactement un tiers lieu où manger, cuisiner et dessiner, entre fourchettes et pinceaux". (Le catalogue de Camille est disponible sur Chroniquesdebouche.com)

 Sans doute, Arcimboldo a-t-il fait fonction aussi  d'artiste-pub maraîchère... 

On pense encore aux gosses chanceux d'être nourris, en orphelinats, pensionnats, hôpitaux, cantines, colonies, familles françaises les éduquant selon de bons principes. Mais ils jouent quand même à dessiner de la fourchette dans l'assiette à achever.Tantôt, avec de la purée, ils esquissent un sommet à creuser d'une cuillerée flaque chaude de jus de viande-lave à volcan. Tantôt ils s'amusent du pourtour d'une semoule où ils tracent une triple voie, piéton, voiture, vélo  qu'ils ornementent- les jours de sauce aux herbes de Provence - de signalisations au sol-. Des filaments verts,  des miettes de persil, des patchs de basilic pour le seul plaisir  de se raconter quelque chose d'intéressant, pareils à des moines du Moyen-Age en réfectoire. Ceux-là, au moins, entendaient lire tout en mastiquant pour se donner du coeur à l'ouvrage ... des passages de la Bible, entre deux bouchées arides... Ne pas manger du tout, c'est comme manger mal, dans toutes les acceptions du terme- c'est se destiner à mourir plus vite, de manière plus atroce -. Donc, ils tâchent d'avaler,  dans l'attente de cette promesse de délivrance  par l'adulte qui surveille- antienne d'enfance.s  soumise.s aux repas- devoirs- surveillés: "Bon, on te fait grâce. Maintenant, tu vas avoir une bouchée de dessert."

L'avenir de Camille traverse peut-être le monde de l'éducation. "Je travaille à l'aquarelle classique, Sennelier. Le monde de l'illustration évolue et un grand nombre de dessinateurs utilise actuellement la palette graphique. Je trouve que cette technique dénature les aliments. Moi, je fais tout à la main, pour plus d'authencité."

Il me semble avoir entrevu à la rentrée, sur une pile d'albums en vente en grande surface, un livre évoquant les couleurs et pigments à composer à partir de glanes dans un parc, dans la campagne: pas uniquement du bois brûlé pour fusain mais des feuilles à broyer, des fruits immangeables aux vives couleurs qui persistent quand on les écrase, de quoi confectionner des bases, des plâtres aussi séduisants que ceux de la grotte de Lascaux, la grotte Chauvet etc.

Voir les commentaires

Girl Gift Template by Ipietoon - Hébergé par Overblog