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2021-10-11T14:28:46+02:00

Augenweide

Publié par montanié julie

Qui est Inga Moore?

L'autrice de l'album en vitrine dans la librairie à un étage, par une fin d'après midi. "Je viens de vendre l'avant-dernier" a dit la jeune fille, confirmant que je prenais le dernier. Titre "Le bibliobus", éd. Pastel, Ecole des Loisirs, dépôt légal septembre 2021. Le bus  de la première de couverture est une sorte de tiny house à deux étages, flanquée d'un couloir en spirale où grimpent des marcassins, des ours, des pandas peut-être, en tout cas des fourrures bicolores. Ils sont sept sur la pelouse à se ruer sur l'escalier menant aux combles de la cabane garnie de livres, tout aussi nombreux sur les rayonnages du rez-de-chaussée. D'autres bêtes figurent sur la fresque illustrée de l'autocar rouge foncé: un agneau se brossant les dents, un chat s'abritant de la neige sous un parapluie jaune, un chien de profil qui tire la langue, un biscuit en équilibre sur le nez, une oie souriant de déchiffrer son journal, une vache aspirant le lait de son verre grâce à une paille couleur citron. Adossés au bas de l'escalier, deux chevreaux véritables, c'est-à-dire partenaires réels de l'histoire du bibliobus,  sont plongés dans des volumes roses et jaunes. Appuyé au capot, l'élan, héros principal, écoute un ours, debout à son tour. La couverture du livre qu'il feuillette montre une image d'ours.

Donc "Elan et sa famille habitaient une maison dans la forêt". Ce sont les premières pages de l'aventure où Mme Elan et ses deux enfants astiquent une carrosserie rouge sous un arbre roux... De l'autre côté de la haie, Elan repeint la palissade. Près d'une boîte à outils dans l'herbe, un tournevis rouille, des  bolets de bonne taille, des feuilles brunes. Ensuite vient le soir, avec sa cheminée où flambent des bûches. Madame Elan écouter raconter, un mug fumant à la main. L' habitude familiale des veillées est en train de faire long feu. Car l'épouse connaît toutes les narrations de son mari et lui suggère de lire quelque chose. Tour du voisinage: personne n'a de livre parmi les voisins! Ni les ours, ni les blaireaux, ni les renards. "Ni Lièvre, ni Taupe. Ni les Trois Sangliers. Pas même les Castors" qui possèdent pourtant  de somptueux cottages aux fenêtres dévorées par la verdure. (Comme il doit faire bon respirer là dedans ou bien naviguer à la pagaie sur le lac, telles les familles de castors dont chaque couple a quatre- cinq mômes).

Elan part pour la bibliothèque en ville, dans sa voiture pourpre qui n'attire même pas le regard des hérons, loups, chèvres, cochons, chats, coqs en train de cheminer, chargés de livres, sur les trottoirs. Ou alors ils quittent la bibliothèque, après avoir rempli un sac rose-orangé saumon, en tissu sans doute upcyclé. Même un vélo conduit par une agnelle est bourré de sacoches pour livres, cahiers ou manuscrits. Seuls deux immenses hérons font du lèche vitrines devant un magasin de pots, cafetières, théières. On devine qu'ils préparent une soirée d'écoute pareille à celle de Mme Elan, au début du récit.

Razzia sur les rayonnages. La bibliothécaire propose des contes de Perrault, ce qui est normal pour des débutants ou dans le droit fil de l'idée ancienne - antique et Louis XIV à la fois - d'humanisation/ urbanisation  des espèces animales. Retour dans la maison de la forêt. La voisine Ourse se joint à la famille d'Elan pour entendre "Le Petit Chaperon rouge". Le lendemain, la famille Blaireau (avec ses sept blaireautins) vient écouter "Le Chat Botté". Les soirs suivants, les renards, les marcassins s'entassent dans le salon de lecture tandis que Mme Elan remplit des mugs de chocolat chaud, un pour chaque auditeur.  

Le vieux bus rouge à recycler sera trouvé à la casse (des blaireaux y essaient l'ouverture de portes de fourgonnettes, un ours y retape un vélo avec son ourson). L'atelier d'Elan, où il scie et visse sur des tréteaux, sabots plantés dans une écume de copeaux, est magnifique, brun, beige, couleur bois.  A partir de troncs et branches, Elan menuise des  abris à livres...

Le tour de la forêt commence. Les marcassins au travail sous leur chêne, en train de biner, à la recherche de glands pour l'hiver, manquent de se retrouver assis, tant le beau bus rouge les éblouit. "Mais on ne sait pas lire" s'exclame Ourse, alors que les renardeaux compulsent  des pages en se grattant la tête, alanguis sur le gazon. Apprentissage de la lecture, les uns grâce aux autres. Défilé des animaux face aux  étagères du bibliobus. Lecture "au calme" chacun chez soi, sur canapés et fauteuils. Prêt entre voisins. On écoute assis en demi-cercle, en rôtissant des chamallows et des rondelles de fromage. Une marmotte se frotte le ventre à l'audition de "Mon ballon". Le salon de lecture affiche complet etc. etc.

Le livre est traduit de l'anglais (Grande-Bretagne) par Aude Gwendoline.

Inga Moore  a composé des illustrations pour Oscar Wilde ("The Canterville Ghost"), pour Kenneth Grahame ("The wind in the Willows") et  réalisé en autrice/ illustratrice  des ouvrages personnels parus en français avant "Le bibliobus" : - La Maison dans les bois, - Le Chapitaine, -Les repas du chat. Tous ses dessins/ tableaux -certains sont sur Pinterest - montrent des forêts, jardins, intérieurs livrés au même fourmillement de fines hachures: un halo de velours, de mousse, de fourrure cernant les arbres, les surfaces, les contours corporels de ses héros animaux. Les menus traits étoffant, traçant les formes font frissonner, trembler, gonfler l'eau, les sentiers, les buissons, les terrasses, les tertres, les plantes grimpantes, les palissades de bois lustré, les massifs arrondis. Pas un millimètre de surface dessinée qui ne vive, palpite, respire.

A peine plus tard, dans un support sur le trottoir à la devanture de la librairie, j'ai pris: "Le petit bulletin" -Journal gratuit des sorties à Lyon , du 20/10/21 au 02/11/21-, pour y lire l'interview d'un romancier américain, de passage le 29 octobre à la Villa Gillet. Il a publié "L'Arbre-monde", prix Pulitzer 2019, avant "Sidérations" (Actes sud) qui fait aujourd'hui l'objet d'une campagne de presse. Interviewé sur deux pages par Stéphane Duchêne, il a l'air très beau. Richard Powers, donc, a conçu son roman pendant le confinement, vécu dans sa maison des "Great Smoky Mountains" où il  dispose "d'un quart de million d'hectares de nature sauvage au fond de son jardin". Au cours d'une randonnée  solitaire, il a eu l'idée d'un petit garçon marchant à ses côtés, dans toute cette biodiversité en train de disparaître. Rentrant chez lui, il tenait la forme de son livre: des dialogues entre un père et son fils.  L'enfant se nomme Robin, il est neuro divergent, hypersensible, il ressemble en partie à Greta Thunberg, en partie au neveu et à la nièce de l'auteur ("Nos enfants sont terrifiés, ils nous en veulent" de la peur qu'ils éprouvent "face au futur, à l'extinction de masse, à la catastrophe climatique"). "La même culture qui a produit l'exceptionnalisme humain, qui a réussi à se convaincre que seuls les humains sont sacrés, conscients, intelligents, intéressants, cette culture voit tout ce qui est au delà de l'humain comme quelque chose à monétiser ou éliminer"... Auparavant,  il énonce une observation sur "l'incroyable spectre des différences entre les êtres humains, ressource inestimable pour affronter l'avenir"...

Le "plus qu'humain" auquel se réfère le romancier, note la rédaction, est une expression du philosophe David Abram, mise au point en 1996. Ce qui est désigné, c'est la "nature terrestre" et véhiculé, c'est "l'idée d'une écologie de la participation interspécifique".

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