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2019-11-27T16:18:38+01:00

Précieux sable

Publié par montanié julie

Sur le parvis de la gare de la Part-Dieu, il y a environ dix jours, un garçon de douze treize ans exposait son splendide chien de sable aux yeux de billes de verre - thé clair, miel, abricot -. Il faisait soleil. Les gens s'arrêtaient avec leurs enfants. "Regarde, comme à la plage…" Un homme prenait une photo. "Regarde, oh! un artiste…". Le garçon aspergeait, fixait les plis de la tunique de peau ou plutôt du drapé dermique de son chien - noblement maigre - avec un brumisateur. Sa panoplie d'outils était sommaire: des brosses, des couteaux à étaler le salpêtre disposés sur le carré de bâche qui délimitait sa part de trottoir. Sa provision de gros sable brun provenait d'un sac plastique conservé tout près, à l'arrière de son plan d'exposition. Il était très absorbé, sans doute fier de ne pas avoir à tendre la main pour mendier. Il faisait la quête, certes, mais avec une mallette posée au sol, ouverte au public. Il montrait son savoir faire et quel savoir faire, vraiment.

Hier, il n'y avait plus de tentes pour sans abri sur le flanc du parc qui, cet été, a hébergé des familles, non loin de la gare de la Part-Dieu aussi.  Mais Il y a une semaine, le lendemain du jour où j'ai vu le chien de sable et son sculpteur, on en découvrait de nouvelles près de l'amphithéâtre surplombant la cour de l'auditorium. 

"Un grain de sable suffit à faire pencher une balance", a dit avant hier un conférencier du Musée des Beaux-Arts - Patrice Beghain -, une conférence brillante -citant le peintre lyonnais dont il présentait l'oeuvre et la biographie: Fleury François Richard.

Il y avait encore du sable dans trois encadrés au premier étage de l'exposition "Lyon. Balade en bord d'eau" - patchwork photographique en 28 tableaux - réalisé dans le cadre du 12 ème salon de l'ADPR, centre culturel de la vie associative de Villeurbanne. L'expo s'est déroulée du 12 au 24 novembre 2019 mais les oeuvres des trente-cinq artistes exposés au premier étage sont visibles jusqu'au 1 er décembre. L'auteure de la série se nomme Joelle Iscaye et ses réalisations - sable naturel- ont pour titre:  "Vous me regardez", "Masque de carnaval", "Caravane". Pour ce dernier tableau, elle a usé d'un sable très fin, une poussière, du mica ou peu s'en faut, saupoudré en particules scintillantes, argentées, adamantines, à même la surface délicatement jaune de son désert.

Après l'air et l'eau, le sable reste la troisième ressource menacée de la planète. C'est dans Wikipedia.

J'ai trouvé enfin du sable dans le livre de Michel Pastoureau: "Une couleur ne vient jamais seule - Journal chromatique, 2012-2016-", La librairie du XXIème siècle, Seuil, 2017. Une de ses anecdotes a quelque chose d'improbable. Universitaire hébergé dans un palace suisse, il découvre son lit revêtu de draps noirs. La teinte dans son contexte lui cause un tel haut-le-corps qu'il roule sa literie en boule, la dépose dans le couloir face au placard de linge sale, et revient s'endormir dans sa chambre de luxe à même la housse qui protège le matelas. Je ne sais pourquoi l'histoire m'a fait songer à Nafitassou Diallo, découverte, je crois, dans un placard à balais, en proie à une violente nausée, après son agression. Mis à part cette séquence plus justifiée qu'incongrue pourtant (comment convaincre un client que des draps d'hôtel noirs ne sont pas sales?), Michel Pastoureau semble un homme sympathique, habile à narrer, humble, touchant, passionnant. Son père a connu André Breton avec qui il a été le dernier à se fâcher, lui-même est un universitaire à succès, qui se dénigre à tort (il souffre de sa corpulence), conte des histoires qui ne le flattent pas - depuis les injures qu'une jeune femme lui lance dans la rue, juste en face de l'Institut de France, jusqu'à ses crises de boulimie, achevées chez sa docteure, qui le prend en photo - pour ses pustules -, sans oublier une séance d'humiliation en Allemagne, chez un Herr Pr Doktor de Erste Klasse qui l'a invité pour servir de factotum, sinon de tête de Turc à ses assistants et étudiants en licence. Je vais tâcher de me procurer en bibliothèque son livre "Noir"(2008) car Michel Pastoureau, directeur d'études émérite à L'Ecole pratique des Hautes Etudes, est un spécialiste des couleurs, titulaire pendant trente-cinq ans de la chaire d'histoire de la symbolique occidentale, dit la quatrième de couverture de son livre. Et Wikipedia ajoute qu'il est sigillographe, spécialiste d'héraldique. Une matière savante où le noir est sable. 

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