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2014-10-29T11:10:25+01:00

Excès de pourboire

Publié par montanié julie

Cette semaine, l'Institut Lumière à Lyon projette trois films de Frank Capra. Le fascicule en couleurs présente l'œuvre en trois lignes. "Le cinéma humaniste, drôle et émouvant de l'un des grands cinéastes de l'âge d'or hollywoodien."

"L'extravagant Mr. Deeds" (1936, 1 h 55) raconte l'histoire d'un héritier décidé à résorber le chômage en faisant don de son immense fortune à des centaines, voire des milliers de demandeurs d'emploi piétinant dans les rues de New-York à la recherche d'un job, d'une main tendue, d'une occupation capable de nourrir leur famille. Comme Mr Deeds a la brillante idée de diviser son capital en parcelles avec machines et outils prêtés pour trois ans à ces agriculteurs improvisés transformés en propriétaires s'ils persistent, son inspiration se voit lestée par l'entourage d'une prétention théorique qualifiable aussi de projet social, d'utopie, qui sait?

On le déclare fou, on le met en prison, ce qui permet à d'autres prétendants à l'héritage d'user de l'argent de manière conventionnelle, c'est-à-dire vaine et égoïste. Sûrement caviar, champagne, croisières, garden-parties snobs et écoles chères promouvant des golden-children sans cœur, sans idées, sans esprit pratique.

Finalement, tout s'arrange, l'amante de Mr. Deeds, une intrigante qui a joué un rôle majeur dans son incarcération confesse son ignominie face à un tribunal. Lequel ovationne Gary Cooper en pleine jeunesse ( Mr. Deeds) en le déclarant plus sain mentalement que quiconque dans cette salle. J'ai oublié ce qu'il advient de l'argent hérité, des chômeurs déguenillés devant la salle où Mr Deeds a eu l'idée de leur faire servir un repas chaud avant de se voir placé derrière des barreaux.

Mais j'ai bien noté hier soir que l'héroïne de "Amour défendu" ( 1932, 1h28) a déchiré le testament manuscrit du richissime amant à peine décédé qui lui léguait la moitié de sa fortune. Pour la dédommager des vingt ans de vie perdue dans l'ombre, en back-street girl dont la fille est élevée en château par l'épouse légitime de l'amant devenu sénateur grâce à son sacrifice. Elle continuera de marcher seule dans le brouillard. Avant de remonter dans le deux-pièces sans lumière où elle élevait sa fille quand son séducteur l'a retrouvée pour son malheur, vingt ans auparavant. Peut-être va- t-elle prendre plus de vingt gouttes de laudanum pour cesser de souffrir. Pareille à la victime de Dante Gabriel Rosetti dans " Autumn" de Philippe Delerm qui a perdu aussi un enfant mais à sa naissance et jusqu'à la beauté qui lui a permis de servir de modèle à un peintre... Encore une biographie fantastique... Je recommande aussi " Shirley, un voyage dans la peinture de Edward Hopper" de Gustav Deutsch, projeté en ce moment. Une très bonne idée quoique le film soit triste comme le peintre. Ou la femme lui servant de modèle.

Dans un bouquin sur le comportement mondain de Proust dont j'ai oublié le titre mais non la forme - c'était un recueil d'articles ou de témoignages -, on insistait sur ses pourboires exagérés. Source de malaise chez ceux qui les recevaient? Ce livre me fascinait d'autant plus que je n'étais pas autorisée à recevoir un sou d'argent de poche. Il en irait ainsi jusqu'à mes dix -huit ans. Quelque part dans ses souvenirs, Cioran raconte qu'il voyageait dans un train en Espagne, après la deuxième guerre mondiale, quand une fillette dont il ne précise pas l'âge s'est mise à danser pour se dégourdir les jambes. S'est-il imaginé avoir affaire à une apprentie danseuse flamenco? Raconte-t-il aussi qu'il lui a jeté une poignée de monnaie qu'elle lui a renvoyé à la figure? Ou l'ai-je imaginé? L'enfant a -t-elle été punie en sa présence d'avoir osé bouger dans un compartiment où garder l'immobilité, le silence en présence d'un homme? Il termine son anecdote en disant à peu près qu'il a fait preuve en cette circonstance d'une absence de tact impardonnable. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que c'était une phrase typique de grand mélancolique sans doute mais aussi de Narcisse s'apprêtant d'une manière ou d'une autre à recommencer.

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2014-06-14T07:42:18+02:00

Deuxième conte de Daniela Miscov

Publié par montanié julie

Le deuxième conte inédit de Daniela Miscov a pour titre -'L'express du printemps': -acceleratul de primăvară . En roumain, un train rapide est donc un 'accéléré'- Je le souligne car les trains tiennent aussi leur poésie de leur nationalité. Les amateurs d'anciens films le voient comme une évidence

Les cinéphiles adorent les vieux trains américains. Les hobos, Indiens, cow-boys y sautent de toit en toit de wagons, dans la poussière, en plein vent dans le crépitement des balles, le sifflement des flèches. Qui n'aurait le cœur serré par la chanson 'Freight train'  d'Elisabeth Cotten? La semaine dernière à l'Institut Lumière, un documentaire de Wim Wenders citait les trains d'Ozu: ceux du Japon des années - 50.  On avait envie de voir la rétrospective à seule fin de repérer les plans de wagons, de rails, de locomotives. Ils se sont en fait révélés moins nombreux que les conversations en kimonos sur fond de carreaux noirs, autour d'une table filmée au ras du tatami où une fiole opaque à saké répand ses libations. De quoi avaient l'air les banquettes, les fenêtres, le bruit du Transsibérien à l'époque où Cendrars élaborait son poème? Le Royal Scotsman, l'Orient-Express, le train de luxe pour Venise sont connus par les romans, les pubs d' agences de voyage. Mais le train de la Mûre arrêté depuis 2010 à cause d'un éboulement? Il longeait une eau turquoise comme celle des îles de la Sonde (dans la chanson de Gérard Manset, les romans d'Henry de Monfreid). Voir les gorges du Verdon depuis le train des Pignes qui part de Nice et va jusqu'à Digne, paradis des papillons! ... Le petit jaune de Font-Romeu tranche dans des zones verdoyantes. Vu de la route, il ressemblait il y a vraiment très longtemps à une enfilade de jeeps enchaînées dans un canyon que la pluie peut balayer. On conseillait d'y monter muni d'un gros pull,  d'un imperméable. Le Glacier Express a la beauté d'un camion supersonique :entre avion et caravane futuriste. Des familles en descendent à Chur/ Coire - pour visiter la ville de l'auteure de 'Heidi' - après avoir joué aux dominos en mangeant dans des boîtes de plastique pré- garnies à la maison. Pendant les  sept heures de trajet, on peut regarder le ciel par le toit transparent mais aussi les ponts, les précipices, les sommets, l'été quelques edelweiss sur des collines de steppe qui valent la Mongolie ou même le Massif-Central. A un bout: Saint-Moritz, de l'autre côté: Zermatt. Courchevel est presque aussi bien et on dit que c'est mieux qu'Aspen... En résumé: tout train suisse est un reflet de la bonté, de l'intelligence humaine. Il en va de même pour les horloges du musée de la Chaux-de-Fond, le Tonimalt, le canif à lames multiples et la bouteille thermos rouge avec une croix blanche. Des biens précieux trop mal partagés mais qui se gardent toute une vie, qui se transmettent même....

Le folklore roumain a des chansons tristes où le train joue un rôle affreux. Des textes composés avant la deuxième guerre mondiale. A moins que les folkloristes de l'époque communiste n'aient dû trafiquer les dates de leurs enregistrements.... Ce sont des récits d'accidents. Des millionnaires y prennent feu après l'explosion de la cheminée, suite à un déraillement en rapport avec leur morgue, leur smoking, leur haut-de-forme. Au XIXème siècle, les paysans roumains et ceux des campagnes françaises, ai-je lu - avaient peur des trains. Ils les prenaient pour des monstres créés pour faire la peau à leur classe sociale. Les rumeurs dénonçaient la responsabilité ferroviaire dans la dégradation de la morale et la nature: alcoolisme aux champs, stérilité du bétail. J'ajoute que le grand -père du dramaturge Eugène Ionesco était un ingénieur français venu en Roumanie au XIXème pour contribuer à l'installation du chemin de fer.

Le conte de Daniela Miscov fait converser un hêtre, un escargot, une femelle pinson, une bergeronnette pour commenter le passage annuel d'un express dont la trépidation ébranle la vie des bois. Mieux vaut lire à des enfants ce genre d'éloge du train que de la voiture de sport sauf si on souhaite vanter un prototype à l'éolienne, aux marées, aux panneaux solaires...

L'EXPRESS du PRINTEMPS de Daniela Miscov - traduit du roumain par Hélène Lenz-

Un conteur: Le printemps était de retour. On entendait les oiseaux. Des trilles, fines, longues, rapides se poursuivaient en l'air. Très fier d'inviter, le jeune hêtre hébergeait un couple d'hirondelles venu faire son nid entre ses branches. De l'aube à la nuit, leur musique le rendait heureux. Existait-il un arbre à l'écorce plus blanche, lisse, aux plus longues branches dressées vers le ciel?

Le hêtre: Je sers de maison aux oiseaux. Sans quoi, je m'ennuierais de trop de silence. Que font mes frères sans nid? Rester debout sans entendre un conte, un chant, quel terrible sort!

L'escargot (somnolant au soleil, collé à sa fine coquille): C'est mal de se vanter, même en pensée!

Le hêtre: Je ne me vante pas, oncle Doru, je me réjouis!

L'escargot: Tu es jeune! Ta joie durera. Un jour, ton feuillage produira une ombre épaisse, tes racines devenues profondes sillonneront la forêt.

Le hêtre: Ma joie est déjà grande. Chacune de mes branches porte un bel oiseau. Leur chant me donne envie de danser.

L'escargot: Tu as besoin de mûrir!

Le conteur: L'escargot se pensait seul à avoir raison parce qu'il était vieux. Croyant tout savoir, il jouait au grand -père sage et de bon conseil, avançant avec lenteur pour mieux transporter sa maison écaillée.

L'escargot: Après le repas de midi, à l'heure du repos, j'aime le silence...

Le hêtre: Moi, j'aime cette vie de joie, de chansons. Tour l'hiver, j'ai attendu le retour des oiseaux voyageurs. Leur chant ne dérange personne. Il apporte le soleil, il fait pousser l'herbe, éclore les fleurs.

L'escargot: Qui te l'a dit?

Le hêtre: La terre! Mes racines reçoivent des infos d'en bas, du lieu où glougloutent les sources. Mmm... Jeune homme, pour t'éviter la vanité, je me suis moqué de toi mais c'est ainsi! La terre garde des secrets, le soleil aussi.

Le conteur: Chacun résumait pour l'autre ce qu'il avait appris. Le hêtre rêvait de la fin avril quand le soir du 21, un miracle se produisit. Il se mit à comprendre la langue des oiseaux comme l'en avait averti sa semence venue de sa mère.

 (Voix de sa mère: Mon fils, quand tu auras dix ans, le 21 avril - date de l'arrivée des derniers oiseaux - tu comprendras leurs propos.)

Le conteur: Le hêtre avait attendu et ce jour venu, l'escargot lui dit que des choses importantes allaient survenir.

Le hêtre: Qu'as-tu appris?

L'escargot: Je viens de sentir une vibration dans le sol.

Le hêtre: Je n'ai rien entendu. Ces oiseaux ont transformé ma tête en calendrier. Est-ce un tremblement de terre?

L'escargot: Non, sûrement un train express.

Le hêtre: Un express? Un monstre?

L'escargot: Un monstre qui avale des hommes pour les transporter ailleurs. Une fois à destination, il les crache avant de repartir.

Le hêtre: Pourquoi?

L'escargot: Parce qu'ils le veulent bien.

Le hêtre: Se faire avaler?

L'escargot: Sans ça, ils ne seraient pas transportés.

Le hêtre: Jamais rien entendu de plus étrange. Que peut-on trouver à ce monstre?

L'escargot: Les hommes aiment se déplacer...

Le hêtre: Moi, j'aime rester toujours au même endroit.

L'escargot: Moi, rester près de toi, grimper sur ton écorce, en descendre, bouger sans aide!

Le hêtre: Tu portes une maison sur ton dos.

L'escargot: Salut! Je vois au loin des feuilles vertes, j'ai faim. La bergeronnette, la femelle pinson vont nous décrire l'apparence du monstre.

Le hêtre: Rien ne presse. J'ai ma journée. Si seulement je savais reconnaître ta bergeronnette, ta femelle pinson. Ces oiseaux sont pareils pour moi. Ils ont des plumes, chantent, volent. Surtout, ils sont minuscules.

Le conteur:  Notre hêtre fit ondoyer ses feuilles dans la lumière pour que le soleil les dore. Ayant avalé du froid tout l'hiver, rabougri, crispé comme un craquelin, il ne rêvait plus que de s'exposer. Mais notre escargot allait lentement, en petit vieux qu'il était. Sa maison branlait comme prête à tomber mais quand même bien accrochée sur son dos. Un vrai rucsack. Yeux fermés le hêtre cherchait du fond de ses anneaux comme dans un dictionnaire de quoi peut avoir l'air une bergeronnette, une femelle pinson. Il devait les découvrir pour leur demander à quoi ressemble un express!

1 - La femelle pinson est petite, rouge brique et cendrée. Son cri est bruyant mais son mâle est bien vêtu. Leurs œufs étant verts, il faut chercher avec soin dans le vert feuillage des œufs verts. Hmmm, j'ai de la chance d'être jeune et d'avoir de si bons yeux.

2- La bergeronnette est plus petite encore. Existe-t-il un oiseau plus minuscule? C'est impossible! Elle pond des œufs blancs tachetés. J'ai compris, c'est simple, la bergeronnette est le plus petit des oiseaux. Juste après la femme pinson. Regarde! L'une très petite, l'autre plus petite encore, elles bavardent ensemble. Maman! Maman! Tchip, tchirip tchip, tchirip, aïe mais je deviens loquace! Mieux vaut les écouter. Ouvrir yeux et oreilles. Qui sait ce qu'elles vont m'apprendre. Je comprends tout ce qu'elles disent. Voilà le miracle dont parlait ma mère.

La femelle pinson: Comment vas-tu, soeur bergeronnette?

La bergeronnette: Pour ce qui est de manger, les insectes sont rares et maigrelets. Toi, qu'as-tu trouvé?

La femelle pinson: Mouches maigres, taons anémiques, rien d'intéressant. As-tu vu le nid des hirondelles?

La bergeronnette: Mais oui, chère amie. Où ont-elles trouvé du matériau si beau, si solide, rien que de la première qualité?

La femelle pinson: Le hêtre a dû leur apprendre des secrets.

Le hêtre (en aparté): Quelle idée! Des secrets, les filles ?Entrez dans le vif du sujet!!

La bergeronnette: Tes plumes brillent... Comment fais-tu? Qu'as-tu mis?

La femelle pinson:  De l'air, du soleil, de la bonne nourriture. Mon seul secret, c'est de bouger. Je vole ici et plus loin. Et toi, où as-tu pris ces couleurs superbes?

La bergeronnette: Je fais comme toi! Air, soleil, mouvement!

La femelle pinson: Nous ne sommes pas nombreux, cette année!

La bergeronnette: L'hiver a été si froid, si froid. A partir de maintenant, la chaleur va revenir.

La femelle pinson: Sinon nous mourrons de faim. Ce hêtre est vaillant, quelle chance! Il porte tant de feuilles qu'il voit arriver moustiques et mouches! (...) A côté du hêtre, il y a des fleurs de mélilot, de la lavande, des tournesols, des pissenlits qui attirent aussi des scarabées.

La bergeronnette: Avec tes enfants, tu te débrouilles? Moi, j'en ai trois à nourrir et non juste deux comme toi.

La femelle pinson:  Comment me débrouiller...Les enfants manquent de patience. Ils veulent tout, tout de suite, surtout recevoir la becquée sans se fatiguer! Tout le jour, je glane, je cueille, je cours, je rassemble de quoi les rassasier. Quand ils n'ont plus faim, j'oublie ma fatigue.

La bergeronnette: As-tu entendu le bruit, ce matin?

La femelle pinson: Mes grand-parents me racontaient que c'était le bruit du monstre. Vers le soir, il passera ici.

Le hêtre: Ce soir? Si vite? On m'a parlé de lui. Prépare-toi, accroche-toi bien. Le sol va trembler si fort que tu pourrais être emporté!

La bergeronnette: O Seigneur! Il va passer entre ces arbres!

La femelle pinson: Pas si près! Dans la clairière où des barres de fer sont posées par terre, spécialement posées pour qu'il avance sur elles.

La bergeronnette: Un grand monstre qui avance sur des barres de fer, jamais entendu parler d'une chose pareille. Les hommes ont de ces idées, ma chère!

La femelle pinson: Nous n'aurons affaire ni à des hommes ni à l'express. Mais à un bruit si effroyable qu'il faudra se boucher les oreilles. Un bruit à percer le tympan!

La bergeronnette: Tu fais bien de m'en parler. Je vais prévenir mes enfants pour éviter qu'ils n'aient peur.

La femelle pinson:  De ce pas, je cours faire de même.

La bergeronnette: Un sifflement effroyable. Une trépidation. A faire trembler la terre.

La femelle pinson: Voilà le signal. Il approche.

Le hêtre: Il approche, brrr, mon écorce se hérisse. Oh comme j'ai peur! De toute ma hauteur, j'ai peur!

L'escargot: Mais de quoi as-tu peur?  L'express va et vient. Il ne nous fait aucun mal au contraire de choses qui - grâce à Dieu - ne sont pas admises ici: les usines, les voitures, les avenues! Voilà ce qui nous gâche la vie et traverse notre espace sans se soucier de nous et de comment nous vivons. Voilà ce qui détruit notre herbe, notre eau, notre air. Mais l'express va et vient. En un instant!

 Le hêtre: Les hommes se fichent bien de notre existence.

L'escargot: Tssst. Pas du tout! Ils détruisent tout ce qui est sur leur chemin. Personne ni rien n'en réchappe. Surtout quand ils construisent!

Le hêtre: L'express est meilleur qu'eux! Il bouge et s'en va, sans jamais rester sur place. C'est un bon monstre, à mes yeux!

L'escargot: Avec le bruit qu'il fait, je n'irai pas dire qu'il est bon pour nous. Mais il est rigolo!

Il fait ce bruit-là pour se déplacer, c'est tout. Comme je t'ai dit: ainsi sont les hommes!

Le hêtre: J'ai bien réfléchi. Je suis haut comme un phare et je le verrai le premier. Je le crierai à tout le monde. Une fois prévenus, nos gens n'auront pas peur.

L'escargot: Mon ami, quelle bonne idée!

Le hêtre: Attention, attention, les amis de la forêt!

La femelle pinson: Ecoutez! Le hêtre nous parle!

La bergeronnette:  C'est sûrement au sujet de notre frère l'express! Qu'il vienne puis nous laisse en paix!

Le hêtre: Un gigantesque châssis noir qui arrive à toute vitesse...

L'escargot: Ce n'est pas mon rythme, ahahahaha...

Le hêtre: Plus rapide que le lièvre! Attention, quand il passe, vous devez rester sur place! Il va vite...

L'escargot:  Comme c'est rigolo! Les gens seront aux fenêtres et nous les observerons! Ahahaha...

La bergeronnette: Alors, c'est comme le cirque? Très drôle! Avec tout ce que j'ai à faire!

Le hêtre: Rien que deux minutes! Regardez-le bien!  Laissez vos affaires! Un spectacle unique!

L'escargot: Car l'express du printemps passe juste une fois par an!

Le conteur: Allons, allons les enfants, imitons le train rapide! Bougeons en musique et battons le rythme!

Noire foudre...Long éclair

Porté sur des ailes d'orage,

Il secoue la terre aussi fort que le canon

A peine si l'aube s'y compare...

Comme s'il volait!

Comme s'il nageait...

Il crache le feu, il avale la route

Dans un tourbillon de fumée

Il coupe en longueur toute  la forêt...

Le hêtre: Et voilà qu'il est passé!

La bergeronnette: Que s'est-il produit, ma soeur? Me voilà décoiffée...

La femelle pinson: Petite soeur, c'était le rapide! Ahahaha!

L'escargot:  Distrayant.... Je peux me coucher à présent...

 

 

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2014-06-08T13:06:22+02:00

Un conte écologique de Daniela Miscov

Publié par montanié julie

Après avoir étudié le roumain, l'anglais à l'Université de Bucarest et après avoir enseigné (littérature, linguistique, pédagogie, folklore), Daniela Miscov a travaillé dans le cadre de la plus grande compagnie théâtrale pour enfants de Roumanie. Elle a fondé aujourd'hui ARTELIERD, PROIECTE PENTRU COPII qui s'occupe d'intégrer l'art à l'éducation. Depuis la naissance de son fils, elle écrit des histoires. Certaines sont lues et mises en scène dans les jardins d'enfants où elle intervient . Elle est titulaire d'un prix attribué en 2010 par un jury international (award for the early age programme): "100, 1000, 1 000 000 stories".

Voici un de ses contes écologiques inédits. Cest aussi un micro-drame théâtral. il a été composé à l'occasion de la Journée de la Terre ( Ziua Pàmântului), le 22 /04/2014 - traduction du roumain: Hélène Lenz -.

 

LA PETITE GRENOUILLE de la VILLE VERTE - Daniela Miscov-

Il était une fois une grenouille verte, yeux ronds, ventre jaune, galoches rouges. Elle vivait sur une rive d'étang, dans une fraîche maison de boue parmi les feuilles grasses des fausses renoncules, de la radiaire, de l'ail des ours. Plac, ploc, faisait-elle... C'était le son de ses grandes galoches clopinant sans trêve jusqu'à l'eau et retour... Tout le jour, elle trempait ses pattes dans l'eau sans qu'on la gronde. Davantage, elle ne s'enrhumait jamais! L'oiseau le plus bleu de la forêt qui vivait près d'elle était son meilleur ami: un guêpier d'Europe appelé Bleuet. Ses plumes étaient luisantes, il chantait merveilleusement et s'envolait à perte de vue. Amis depuis un an déjà, ils jouaient ensemble aux couleurs qu'ils combinaient: rouge et vert, jaune et bleu, ainsi de suite. Bien des choses étaient arrivées: des bonnes, des mauvaises depuis qu'ils ne s'étaient vus.

- Bonjour, ma Verdelette!

-Bonjour, mon Bleuet! Comment vas-tu?

-Pas mal mais je veux partir!

-Toi?

-Verdelette, il ne faut plus rester! Tu pars aussi?

-Que faire d'autre? Pour construire cette usine qui fume, les gens ont asséché l'étang. Là où je me baignais, plongeais, nageais, m'enfonçais sous l'eau, mangeais, la fumée sort, il n'y a plus d'eau, je suffoque. Les yeux me brûlent, je tousse, j'ai la langue sèche.

- Ils ont fait la même chose à la forêt. Ils l'ont coupée. J'ai du mal à trouver ma nourriture, il me faut voler loin... C'est dur. Le soleil brûle, je n'ai plus d'ombre que sous cet arbre. Si mon nid n'y était, j'aurais fui depuis longtemps. Mais à présent, je n'y tiens plus...

- Sans eau, moi je suffoque. Heureusement, j'ai la rosée. Elle me donne un peu d'humidité: je peux boire. Je t'accompagne. Qui sait? Nous trouverons peut-être un bel endroit vert.

-Verdelette, partons faire des provisions! On se retrouvera plus tard.

Bleuet s'envola pour aller se perdre dans le bleu du ciel. La grenouille partit à son tour, blong, blong, blong à la recherche d'un œil d'eau où se rafraîchir. Elle avait à présent la peau si sèche qu'elle fut saisie de vertige: impossible de respirer. Soudain, elle vit quelque chose. Un chatoiement argenté: celui d'un petit étang. Minuscule mais excellent! Sans émettre un son, elle se mit à l'affût. Ch,ch, ch... Une mouche surgit à la surface, zzzzzummmmm, étourdie de bonheur comme ceux qui oublient le danger.

-Lalalala! Je vole, je vole, je me sens légère, légère!

La longue langue de la grenouille s'étira, saisit la mouche d'un coup, l'avala. Slup, chiup, chiup...

- Quel bon petit déjeuner! Mais trop léger, il me faut un supplément! Il m'a tout juste ouvert l'appétit!

Comme elle se tenait assise sur le rivage, un gros hanneton bien rond surgit. Il vrombissait en se balançant.

- Bz, bz, je suis obèse!

Sans mot dire, la grenouille invisible sous les feuilles vertes ouvrit la bouche pour mieux tirer sa longue langue collante et hop! l'avala.

- Slup, chiup, chiup.

- Crantch, mantch! Bon sandwich! A présent, il me faut une salade!

Aussi verte que les feuilles, elle s'y dissimula. Qui eût cru qu'une grenouille s'y cachait? Elle vit alors sautiller, se dandiner une créature à longues pattes. La grenouille fut si étonnée qu'elle se crut prête à parler! Mais c'est en pensée, dans un murmure qu'elle se dit. Comme elle saute! Plus haut que moi. Qu'elle est verte! Une sauterelle! Quelle bonne salade en vue! Hop en haut, hop en bas, crépitait la sauterelle. Alors la grenouille ouvrit la bouche toute grande, étira sa longue langue et voilà que la sauterelle s'y colla, fut emportée.

- Me voilà joliment rassasiée! Quel déjeuner! Quel souper, même!

Assise sur sa large feuille de bardane, elle vit un papillon. Comment l'attraper? Elle entendit alors Bleuet dire:

- Si tu avales ce papillon, je me fâcherai.

- Si c'est ton ami, je ne le mangerai pas même si j'en rêve!

- C'est mon ami! Il est utile, il prend soin des fleurs. On y va?

- Allons y. Préparez-vous! Start.

ils se mirent en route, s'engagèrent doucement sur le chemin. Bleuet volait haut, Verdelette clopinait bas. Le soleil brûlait.

-Tchip, tchirip, qu'il fait chaud!

- Oac, comme je cuis!

Soudain, ils perçurent un son. Pst, pst.

- Tu entends?

- J'ai entendu!

- Qui ca peut il être ?

- C'est moi, Popic! Je tombe, je me relève, je suis Popic le hamster? M'emmenez-vous?

- As-tu de bonnes intentions?

- Trouver à manger! Cette usine est une catastrophe. Je suffoque!

-Toi ?

- Tu veux que je te montre? Kakaka, je n'en peux plus...

- Viens donc, que sais-tu faire?

- Je m'y connais en provisions. Je les installe dans les coins, les recoins, j'en fais des tas, je les aligne, j'en fais des couches, je les empaquette, les emballe par deux, par trois, par quatre, par cinq ... Ordre et discipline...

- Que manges-tu? Des graines?

- Graines, plantes, céréales, des trucs comme ça. Rien de ce que vous mangez.

- Correct. Nous ne mangeons pas ce que tu manges, tu ne manges pas ce que nous mangeons. N'étant pas ennemis, nous pouvons devenir amis. Viens avec nous, Popic!

- Verdelette, Bleuet, vous n'aurez pas de regrets.

Ils prirent la route. Tchip, tchirip, clop, clop! Sur le tard ils s'arrêtèrent car la nuit arrivait.

( Bleuet):

- Je vois quelque chose, quelque chose de jamais vu!

( Verdelette):

- Quoi? Je veux voir aussi!

( Le hamster):

- Dis nous ce que c'est! On meurt d'impatience!

( Bleuet):

-Comme un étang avec des blocs, des routes, des réverbères et du vert, du vert... Tout est posé sur du vert...

( Le hamster):

-C'est une ville verte. Comme nous y serons bien! Fait-elle de la fumée?

( Bleuet):

- Je n'en vois pas! Je vois des arbres, des étangs et des étangs dont l'étendue d'eau est vaste et beaucoup de champs autour. Il y a de tout. Pour tout le monde!

( Verdelette):

- Mais on n'entend aucun bruit! Or les hommes sont bruyants!

( Le hamster):

Pas ici! En ville verte, les hommes roulent à bicyclette, sans bruit. Les usines ne font pas de fumée: leurs moteurs aussi sont verts.

( Verdelette):

- Restons, les amis! L'endroit est plaisant. Ensemble, nous venons de découvrir un lieu aussi beau que bon!

( Le hamster):

- Je dois faire provision d'une foule de graines, de pavot, d'orge, de segle, de maïs, de....

( Bleuet):

-Moi, je vais me construire un grand nid avec cuisine, salle à manger, salle de bains, chambre à coucher. J'y trouverai de l'ombre où recevoir mes amis et mes amies à l'heure du thé...

Rassemblant leurs forces pour se diriger ensemble vers la ville verte, après avoir marché encore, les trois compagnons sont arrivés.

- Je vais flotter à loisir, je me construirai un radeau, je plongerai tout au fond...je m'enfoncerai dans la boue qui me rafraîchira tant...

Verdelette était heureuse. Il ne lui arrivait que du bien...

 

 

 

 

 

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2014-05-29T12:16:54+02:00

Venus et son coquillage

Publié par montanié julie

Nous sommes à présent face à une vitrine de musée remplie d'objets sculptés, moulés. Presque tous sont intacts et la netteté de leur modelé, de leur contours est parfaite.

- C'est quoi ?

- Vénus dans sa coquille. Vénus qui sort de la mer. C'est Vénus anadyomène...

La ville où nous venons d'arriver s'appelle Ruvo. Elle a l'air petite et ravissante. Des ruelles partent vers le centre et elles sont mouillées. Il a plu, il va pleuvoir, on a arrosé. Le sol dallé n'en est que plus noir. Les Italiens/ Italiennes qui déambulent entre les minuscules échoppes exposant des journaux, des vêtements, des légumes de toutes les couleurs, ont à la main des sacs ou des parapluies. Le nom de l'étape précédente -Besiglie - était mouillé lui-même comme je l'ai noté suite à l'observation de notre accompagnatrice, prof de khâgne. Non seulement, elle sait tout mais sa diction est parfaite. En français, en latin et, je trouve, en italien... mais je ne suis pas une référence. J'ai oublié mon appareil photo dans l'autocar ou à l'hôtel. D'un côté, c'est tant mieux, on ne produit que trop d'images de par le monde. De l'autre, c'est plus que dommage. C'est la plus jolie matinée de notre périple d'un point de vue strictement visuel. Le musée où nous nous trouvons est aussi une merveille et la jeune femme qui a demandé d'identifier la minuscule Vénus vient d'obtenir à l'entrée, l'autorisation de photographier sans limite tout objet exposé, tout panneau explicatif, tout coin de fenêtre donnant sur jardin en pluie, fleurs, feuilles, tout ce qu'on veut en bref. C'est un voyage de groupe mais il est atypique. Destination, intitulé, trajet. Je n'en dirai pas davantage car je n'ai ni demandé ni obtenu l'autorisation de révéler que le schéma-tracé-itinéraire de ce voyage - génial- a pour auteur.e exclusive notre guide. Une organisatrice me l'a dit le troisième jour mais le répéter par écrit est peut-être une indiscrétion. Ah! Ce serait autre chose si je m'exprimais face à des étudiants, entre amis, en famille. D'ailleurs, j'ai déjà commencé à diffuser l'info, oralement...

A force d'identifier 'Vénus anadyomène' avec le titre du poème de Rimbaud, je crois que j'en avais oublié l'origine mythologique de la déesse... De là à imaginer une hypothèse grotesque de moins bonne qualité que la distorsion de Rimbaud.... Et si Aphrodite/ Vénus avait été conçue par les Grecs/ Latins comme close dans un coquillage, en crustacé hypo-calorique parce que la passion amoureuse - dont dérive en partie l'approche de la beauté physique dans leurs civilisations - fait maigrir? Est-ce induire une volonté d'approche physiologico-médicale dans la figuration esthétique des Anciens?

Près d'une Anadyomène de la vitrine qui en contient plusieurs - longues cuisses regroupées sous le bassin étroit, seins généreux, épaules athlétiques - une deuxième sorte de Vénus dont les coquillages, les ailes partent des omoplates. La déesse est debout dans sa nudité adolescente, parfaite. Toutefois, ses ailes/ coquillages sont rognées. Arrachées par l'usure, par un voleur d'objet sadique, tels ceux qui mutilent les papillons vivants pour leur voler cette plus belle part de leur personne - par méchanceté ou pour les faire régresser à l'état de larves, de vers, dont ils proviennent?-

Et si la figure de l'ange chrétien, me dis-je soudain saisie d'une transe d'inspiration intérieure sans doute encouragée par le contexte studieux de l'excursion, était une simple continuation/ prolongation de la Vénus Anadyomène? Ou à l'inverse, si la Vénus Anadyomène était une simple extension de la figure de l'oiseau ou du Chérubin biblique?

Suggérée à un enfant ou un pêcheur/ philosophe de l'Antiquité, seul les pieds dans l'eau face à une clovisse, une coquille Saint-Jacques en train de bailler sur un banc de sable dont l'humidité se résorbe tandis que l'écume reflue en sens inverse, vers les côtes de l'Afrique, où l'existence a réacquis densité, salinité après le contact avec les hauts -fonds? Est-ce que l'organisme de la clovisse va survivre, restitué à l'air, transposé? Et nous revoilà engloutis dans une méditation sur les quatre éléments - air, eau, terre, feu- et leurs créatures diverses, toutes héritières de capacités déjà plus ou moins mutantes.

A l'heure du repas, tandis que les autres bavardent comme ils l'ont mérité en suivant le sens de la visite, en s'imprégnant d'explications intéressantes et de bonne tenue, tant à force d'écouter que de lire les affichettes pour leurs infos signifiantes - je me suis contentée de comparer l'anglais et l'italien en rêvassant-, je me demande in petto combien d'imbéciles dans mon genre ont déjà remâché le genre de réflexions qui ont enchanté ma matinée, au cours de siècles de fouilles, de voyages d'études en Italie, de missions, de Grands Tours de toute sorte. Les plus intelligents sont devenus archéologues, ils ont étudié la philo. Les plus rusés: romanciers, cinéastes etc. En vue d'éviter le ridicule inhérent à la formulation d'idées moins que nulles ou de clichés assimilés même par les quadrupèdes, ils les ont placées dans la bouche de personnages dont ils ambitionnaient de restituer le niveau mental: - ainsi les descripteurs de personnes déficientes (tel Steinbeck dans ' Mice and Men', lu en français bien sûr à l'époque, en poche, je crois revoir la couverture: 'Des souris et des hommes').

Plus loin, il y aura une cathédrale blanche et beige avec des vitraux beiges et bruns sans motif identifiable, à part un coulis de peinture sombre dans le verre, un semblant de froissement de tissu. Quelque part, un aigle est soutenu par un petit Atlante. On voit étinceler des écailles vitrifiées. La Madone en cuivre astiqué de l'autel (je n'ose pas imaginer de l'or mais que sais -je de l'Italie?) est saisie sur fond de niche: une conque. Dehors aussi, une Vierge était représentée tête détachée sur fond de coquillage.

A un étal de poissonnier, une dame professeur émérite commente la présence de petits rougets comme 'on n'en trouve pas en France'. A deux mètres, posé sur la glace de l'étal, je me sens toute contente de retrouver le coquillage de la Vénus Anadyomène de la vitrine du musée. Non pas des Saint-Jacques mais des palourdes. Des 'vongole' en tout cas.

 

 

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2014-03-14T10:29:38+01:00

Films d'animation (Suède, Estonie)

Publié par montanié julie

A L'Institut Lumière en février "Gros pois et petit point" découpé en six séquences. Un film de Lotta Geffenbald, 2011, 43 minutes, à partir de 3 ans. A part les gamins supervisés par des sœurs aînées, des jeunes filles au pair, des Papas, Mamans, Mamies, la salle était remplie de groupes et leurs accompagnateurs. Des ballons gonflés multicolores dès le couloir du Hangar, ce qui a mis D... en extase car elle a compris que c'était la fête. Une fois en salle, très disciplinée, elle s'est rangée d'elle même dans un fauteuil près du mur, s'est assise droite face à l'écran sans bouger pendant les 43 minutes, visage tendu comme en classe. Titre du premier sketch : "Point chez le dentiste", du deuxième: "On rénove" ( réparations en appartement), du troisième: "Tatouage" (les gros points à l'encre de Chine sur la peau d'une marionnette de latex sont effacés au chiffon trempé dans un détergent, on devra redessiner en deuxième moitié de film ses taches noires de naissance). Puis "Le pique-nique", avant "Marins d'eau douce". L'historiette montre de petits pirates attrapant un coup de soleil car ils n'ont pas mis leur crème ( "Moi, j'en mets!" a crié D... révoltée à l'intention de l'écran) . En dernier: "A la belle étoile". Après la séance, dans le hall du Hangar, tous les enfants qui voulaient ont reçu un jus de fruit en container métallique - à sucer en pressant le paquet rectangulaire après avoir retiré le bouchon- et un feuillet récapitulatif à deux questions par séquence. D... a réussi le test. Des mômes se vautraient par terre dans en se cachant de leur moniteur, d'autres arrachaient les ballons, D... les a sévèrement tancés avant de rejoindre la voiture où elle a grimpé sans un mot sur son siège, sans regarder qui que ce soit, yeux toujours écarquillés pour voir défiler les décors derrière la vitre, en attendant de retrouver Mathilde qui ne va pas encore au cinéma bien qu'elle ait déjà trois ans.

La semaine dernière "Le secret de la pierre de lune" un film estonien de H. Emits et J. Pöldma et J. aux Alizés, Bron, dans le cadre du Festival 22 février/ 09 mars 2014 "On cartoon dans le grand Lyon!" - Le meilleur du cinéma d'animation européen-.

Presque personne pour cette séance de début d'après-midi sinon deux- trois mères et leurs gosses trop petits pour être à l'école. Un film de 1h 15 destiné aux 3/4 ans. Le résumé annonçait: "La jeune Lotte se lance à la recherche de pierres mystérieuses...". Une féérie de pastels pouvant se passer d'anecdote. Pourtant il y a eu des anecdotes.... J'énumère ce que j'ai noté... La jungle fait irruption par la porte de la maison... On a le temps de penser qu'une des pierres mystérieuses fait pousser ainsi les plantes. Un tricycle sert de taxi. Il longe un ski- trottinette sur lequel rame un lapin en s'aidant d'un seul bâton. On passe près d'un grand moulin aux quatre ailes gris foncé dans des massifs de fleurs et d'arbres. Des voyageurs allument un feu de camp. "Les étoiles sont des feux de camp de voyageurs" prononce une voix sentencieuse. Deux pèlerins à capuchon qui leur cachent le visage. Une clepsydre mesure le temps à l'intérieur de la pluie. Il pleut en effet sans cesse dans cet épisode du film. Un parapluie donne des leçons. Un docteur à tête de cochon qui se nomme Waldemar est spécialiste de la pluie. Il fait collection de gouttes. "La pluie est en caoutchouc," explique-t-il aux voyageurs "et ses gouttes rebondissent". Une pluie est en argent: ses gouttes sonnent en tombant. Waldemar ne s'ennuie pas. "Heureusement ici, la pluie ne cesse jamais" commente-t-il encore. Il vit à l'intérieur d'un labyrinthe diluvien dont il confie le plan aux visiteurs. Derrière les rideaux pluvieux qui s'interrompent aussi sec que la paroi rectiligne des chutes du Niagara, on peut se faufiler sans risquer l'éclaboussure. A présent, nous voici dans un gymnase de plein air avec une prof à tête de chèvre. Elle fait sauter ses sportifs sur une aire de sable jaune au sein de la nature verte. Le héros recherche un sac à dos contenant les pierres du titre dont la plus précieuse est dorée.

Une maison dans la forêt et sa chambre merveilleuse aux pans de murs décorés de soleils, de nuages, d'étoiles énormes. Nous sommes au Pays des Rêves, lequel possède une entrée à part pour les cauchemars. Une bande de Moebius trace des circuits en l'air dans des montagnes magiques sises sur un sable rose où défilent des courses de trains. Au Pays des Rêves, on fait ce qu'on désire. "J'adore voler" dit un personnage. "C'est pour ça que je dors tout le temps!". Un magnifique cauchemar s'annonce. Comme il serait dommage de le manquer, il est mis en scène derrière un rideau rouge.

Dans le désert? Deux crayons, mine vers l'avant, se tordent comme des chenilles en avançant en parallèle. Peut-être font- ils la course. L'un est bleu et l'autre vert... Ils doivent écrire le film ou peut-être le colorier. On arrive au bord de la mer où quelqu'un pêche à la ligne des sortes d'éponges tordues qui sont en fait des pancakes. Ceux qu'on attrape dans la mer sont déjà si sucrés qu'on n'a pas besoin d'y ajouter du sirop d'érable...

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Un marin jure: "Nom d'un homard à roulettes, j'appelle le docteur!"

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Un lapin vêtu de vert dit qu'il habite dans la lune. D'autres lapins vivant sur la Lune, viennent ici chaque année en classe de botanique. L'année dernière, une classe de chant de Lapins de Lune qui s'apprêtait à rentrer s'est retrouvée bloquée là à cause d'un incident inattendu. J'admire les uniformes roses et l'habit du maître: jaune.

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Une île du film est divisée en deux. Sur une moitié, c'est l'hiver: elle est recouverte de glace. Sur l'autre moitié, c'et l'été. Dans la partie estivale, grouillent des pingouins en pantalons. Ils ont la peau violette et leur salopette est rouge.

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Une petite fille accompagnée d'un lapin offre aux pingouins une fourchette. Cette fourchette s'envole vers le sommet de la montagne: un pic embrumé dont ils escaladent les pierres. En haut ils découvriront toute une quincaillerie, analogue certainement d'un cimetière de voitures ou du plateau couvert de canettes en fer qui conduit vers Zermatt. Une sorte de témoignage de la saleté humaine et de sa négligence écologique, sûrement. La petite fille se peigne et elle se trouve habillée d'une foule d'étincelles d'or: une forme de manteau évanescent d'électricité statique.

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Une plaque de glace sur laquelle rament les pingouins se détache de l'île et appareille pour la mer. La banquise aborde une île... Les lapins de Lune coincés dans une crypte égyptienne ou de cité maya sous le sol vont retrouver leur domicile grâce au "Haricot céleste". Leur souterrain est en effet percé d'une sorte de cheminée qui donne sur le soleil. A cette fin, le haricot grandit à toute vitesse, il s'élève comme une fusée ou un câble végétal auquel les lapins s'accrochent pour s'enfoncer dans le ciel, disparaître dans l'espace.

Difficile de reconnaître que je me suis bien amusée mais que je n'ai rien retenu.

J'ai eu le temps de me dire que cette narration chargée me rappelait le "Lorax", une histoire échevelée où zigzaguent de petits bolides entre des plumeaux oranges imitant la végétation de jadis. Dans le "Lorax" aussi, il est question de mettre la main sur la seule graine du monde porteuse de l'espoir de faire germer le dernier arbre. Il fera revivre des forêts.

 

 

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2014-01-07T17:38:28+01:00

Concert du nouvel an (Dreikönigstorte)

Publié par montanié julie

Le 31 décembre, comme je me hâtais seule à pied un peu avant vingt heures vers l'auditorium (pour éviter de perdre deux billets achetés par P. en octobre pour cette occasion), j'ai croisé un jeune homme sous un pont où passe le TGV.

S'appelait-il Melchior, Gaspard ou Balthazar? Avait-il déjà bu mais pas encore mangé? En tout cas, il n'a pas compté ses invectives. A dix mètres de distance, il m'a traité de c... sse, de s...pe, a hurlé qu'il ne voulait plus voir ma g...le si bien que prise de peur parce que dans moins de huit mètres nous serions face à face,- lui longeant la chaussée où des files de voitures pouvaient s'engouffrer de front à tout moment et moi contre la paroi qui soutenait le pont -, j'ai cru bon d'éviter de l'irriter davantage en courant justement me refugier au milieu de la chaussée.

Je crois que je pourrais découper ma vie en fonction des fantasmes et cauchemars qui ont servi de fond à mes sommeils et veilles sur des mois, des années. A l'âge d'apprendre à lire, je rêvais toutes les nuits d'une vipère qui me poursuivait jusqu'au fond du couloir de notre appartement. Alerté par ma mère qui souhaitait dormir, mon père venait calmer mes cris dans l'ombre, tenter de me recoucher. A l'âge de passer le bac, mon grand père m'a appris qu'il était inutile de creuser davantage les aspects psychos de mes cours de philo en m'initiant à Freud. Lui-même avait rêvé de 6 ans à 30 ans d'une grande goutte d'eau cherchant à s'écraser à la base de son front. Au moment de le toucher, elle se changeait en poignard. Alors, il se réveillait. Jamais il n'avait su ce que signifiait ce rêve. Mais il avait ressenti un grand apaisement en apprenant qu'en Chine, on acculait les détenus à la folie en leur faisant tomber une seule goutte d'eau au même endroit de la tête: elle ramollissait la peau jusqu'à changer cette portion de crâne en fontanelle et son bruit régulier faisait perdre l'esprit. A mon arrivée à Lyon, j'adoptai une terreur capable de m'armer mentalement contre la grande ville. Il faut dire qu'en ce temps, je lisais San Antonio pour mieux me pénétrer de l'âme de la cité où je venais de m'inscrire en doctorat. Chaque fois que je tentais de prendre la Ficelle, je me prémunissais contre le coutelas qu'un mafieux charcutier pouvait insinuer entre mon dos et le mur où donc, je me collais en attendant la benne, quel que soit le nombre de citoyens présents à la même station.

Mieux valait qu'un bolide vienne me faucher de dos, me tuant sur l'asphalte que de risquer que ce gars me cogne, me secoue sur le trottoir, m'écrase au mur jusqu'à ce que ma g...le s'efface, sans parler des épaules, des coudes, des genoux qui seraient une bouillie avant que quiconque s'avise d'alerter les pompiers...

La salle de concert était vraiment bondée. Assez vite, les gens ont sorti de leurs poches de petites jumelles, de même type que celles que P. tient de sa mère. Ils ont commencé à les faire circuler d'une rangée à l'autre ou de la main à la main, ce qui était l'indice qu'ils se connaissaient bien quoique je ne les aie pas vus se saluer. Pour ma part, au concert, depuis quatre cinq ans, j'emporte une grosse loupe ronde et une petite lampe à deux ampoules (accumulateur solaire rechargeable) suspendue à un porte-clés acheté à Nature et Découverte. Elles me servent à lire le programme pendant l'entracte, à vérifier dans le noir; tandis que l'orchestre joue, quelque détail du speech sur les solistes, la présentation de l'orchestre invité, le commentaire sur la pièce interprétée. Dans les expos penture, il en va de même, je suis incapable de me pénétrer de la sensorialité de l'œuvre à contempler sans en avoir d'abord absorbé le descriptif verbal en langage articulé rédigé. L'orchestre invité venait de Bâle (Kammerorchesterbasel), direction Philippe Bach. J'ai beaucoup entendu, je n'ai rien écouté, des lumières scintillaient sur l'ovale de la scène, elles en jaunissaient le sol de bois clair. Comme le disait le programme, il était ou il serait question de boire, de manger, alors qu'on est fauché. 'La Périchole et son amant Piquillo sont des chanteurs de rue sans le sou (...) le vice-roi la fait boire ( ...) Ah! Quel dîner je viens de faire, dit la Périchole."

A l'entracte, j'ai entrepris de repasser -grâce à ma loupe- ce qui venait d'être joué. "Orphée aux Enfers", "La belle Hélène " (Offenbach), "Faust" ( Gounod), "La belle Hélène"(Offenbach encore). Alors que s'animaient les valses et mélodies, que résonnaient pour de bon les orchestrations dans ces éblouissantes analyses concises que personne ne signe, hélas, les gens debout devant moi s'adressaient à mes voisins de gauche, se retenant de parler de musique, boisson ou nourriture parce qu'ils trouvaient sans doute cela grossier. Je m'appliquais soigneusement à ne pas les regarder. Neige à 1100 mètres, marche nordique qui sculpte des muscles divins tels qu'on les distingue sur les réseaux balisés, ski de fond, pas de piste, ce n'est pas la saison ... (?)

L'orchestre revenait. " Les patineurs" (Waldteufel), "La Périchole" ( Offenbach), ''Tritsch-Tratsch Polka" op.214 (Johann Strauss Fils), à nouveau "La Périchole" (Offenbach). Rien que du mousseux, du pétillant, de l'écumant. Tout à la fin, de grosses étoiles métalliques sont tombées du plafond sur les robes noires, les smokings de l'orchestre, des solistes, en concentrant le tir, m'a-t-il semblé, sur les épaules du chef. Quand les applaudissements ont eu finir de rugir, d'exploser, de claquer, les astres jonchaient la scène en découpes dont certaines étaient or, d'autres vertes, peut-être la teinte venait-elle des spots colorés....Un chanteur avait dit quelque chose en suisse allemand qui avait beaucoup fait rire, en tout cas plu autant que la séquence mimée de Jennifer Larmore titubant vers les coulisses dans une feinte de coma éthylique guettant son corps chenu après son interprétation de "grise", "grise"... ("La mezzo soprano américaine s'est imposée pour la beauté de sa voix autant que pour son talent scénique. Elle excelle dans les rôles coloratures baroques et belcantistes" - page 5 du programme-).

Beaucoup de vêtements dans le public aussi étaient d'un beau noir faisant contraste avec des têtes d'hommes blanches. Dans les escaliers où on faisait queue tout à l'heure pour présenter son billet, les gens plaisantaient en grands rires qui ne donnaient guère envie de faire partie de leurs groupes.

A la sortie Part-Dieu donnant sur les stations de transports en commun et la gare, deux adolescents noirs avaient l'air si désaffectés, désorientés, désemparés. Comme s'ils portaient sur leurs épaules le péché d'avoir la peau de même couleur que ceux qui s'engagent sous le pont où passe le TGV, une canette dans la main et des injures non décomptées sur les lèvres. Leurs copines, sœurs, comparses ou voisines de quartier étaient très belles aussi avec leur sourire sage, leurs boucles d'oreille d'argent, serrées toutes deux dans l'angle de chaleur d'une paroi vitrée. Attendaient-elles un wagon de tram ou les amoureux qui les emmèneraient réveillonner dans l'appartement marqué de la bonne étoile où faire briller le satin de leur peau foncée?

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2013-11-28T23:33:24+01:00

Fractures et Dumitru Crudu

Publié par montanié julie

Environ un mois que j'ai reçu par la poste " Un american la Chisinàu" de Dumitru Crudu ( publié en février 2013 à Bucarest). J'en décore les pages de post-its, j'en donne des passages à lire à des étudiants avancés en langue, j'en traduis des morceaux, je prends des notes sur une action qui se déroule de Brasov à Chisinàu précisément, j'en parle autour de moi - avant-hier soir avec L. à table! Face à des coussins rouges et un sac cadeau de nature à évoquer la tâche du Père Noël mais quel Moldave, quel Roumain, quel Américain d'origine roumaine trouvera le livre de Dumitru Crudu dans un petit soulier, entre des larmes brillantes et une guirlande en glaçons pour le recommander à un éditeur qui le fera traduire? - ... J'ai déjà écrit sur ce livre un article de 20 pages parsemé d'extraits que j'ai mis en français - les épreuves sont corrigées: il devrait pouvoir être consulté dans les meilleurs délais -. Je n'y ai pas dit tout le bien que je pense de l'auteur et de son livre évidemment, sinon l'article aurait eu 100 pages.  Dumitru Crudu est aussi fort - comme poète, romancier, dramaturge - que Nicoleta Esinencu et je le trouve aussi poète que Savatie Bastovoi dans "Les Lapins ne meurent pas ", traduction de Laure Hinckel. Dans mon article, j'écris que le livre de Dumitru Crudu est un thriller sociologique et linguistique. J'espère que je le prouve.

Je pensais le répéter hier soir ou peut-être ce matin dans ce blog mais voilà que j'ai dormi huit heures pour la première fois depuis une semaine, et pourquoi ne pas l'avouer depuis un mois, presque deux...Mieux vaut ne pas mentionner mes actes manqués, quiproquos, ratage de stations en bus parce que je rêve ou somnole. Pas plus tard que samedi j'ai manqué aussi un train parce que j'ai confondu l'heure en allant vérifier auprès d'une pendule si j'avais bien une heure d'avance comme ma montre l'indiquait etc. etc. Mais je souhaite que Dumitru Crudu m'excuse de n'avoir pas parlé de son bouquin aussi vite que je le lui avais promis. Je me sens comme un fantôme tout juste capable d'abattre son boulot dans un état second... C'est donc il y a un peu plus d'un mois que j'ai lu - en traduction bien sûr, improvisée par moi-même - la Note de l'Auteur à voix haute.. juste avant d'aller bondir sur le bus, sur le métro et de là sur le TGV .... On venait de transférer P. en ambulance dans la chambre du rez-de-chaussée plus ample que celle où on l'a muté à présent. Il ne devait pas bouger. A cause de ses onze fractures et surtout des neuf costales. J'avais vu sur internet que s'il respirait trop fort, il pouvait se perforer le poumon... Aussi m'étais- je précipitée sur un vaccin anti-grippe de la première pharmacie pour qu'il évite de tousser, d'éternuer, hoqueter... Heureusement, les infirmières qui sont vraiment charmantes sans parler des aide- soignantes, étaient d'accord pour qu'on le vaccine dans les meilleurs délais. Donc, il était immobile de l'épaule gauche jusqu'au pied -. Il manquait de distraction et ça l'a bien stimulé, cette histoire de manuscrit volé ou confisqué par un Bessarabien tâchant de se venger sur un écrivain sans le sou d'un loyer non acquitté... Stimulé sans le faire rire - rire de mésaventures pareilles, c'est le propre des ordures outre que rire dans un tel état est plus nocif que la toux-.. Si l'auteur me lit, qu'il prenne conscience de la valeur consolatrice, lénifiante et donc morale de son introduction sur le moral d' accidentés:

"Ceux qui liront ces lignes vont me soupçonner d'avoir inventé cette histoire pour me donner de l'importance. Peut-être qu'en réalité le manuscrit dont je parle n'a jamais existé? Vous savez quoi? On peut s'attendre à tout avec ces Bessarabiens. Et surtout d'un type aussi douteux que l'auteur de ces lignes.

Pourtant, je l'ai écrit. Davantage, il a eu des lecteurs aujourd'hui dispersés partout dans le monde! Les belles Liudmila et Liuba ont dévoré mon roman en une soirée, dans ma chambre du Mémorandum avant d'aller faire la fête chez Radu Maïlat qui les avait invitées à Feldioara. Liudmila est aujourd'hui au Portugal, Liuba en Grèce mais toutes deux continuent de me demander si j'ai récupéré mon roman. Non, les filles! Toujours pas! Mais en tout mal il y a un bien puisque, il y a trois ans, j'ai entrepris de le récrire. Et je l'ai fait. Cependant, le résultat a été un autre roman, complètement différent du manuscrit séquestré. Au final, je ne voulais parler de ça mais du simple fait qu'après cela j'ai vécu des événements comme sortis du roman rédigé l'été 1995 à Flutura, égaré cinq ans plus tard par ce Bessarabien albinos.

Mais je vous le raconterai à une autre occasion."

Ainsi s'achève la note introductive du roman.

De même, si j'évoque les onze fractures de P. , c'est pour être tombée quelques jours plus tard sur le manifeste fracturiste publié en 1998 à Brasov par Marius Ianus et Dumitru Crudu. Plus que le contenu programmatique théorique de cette profession de foi littéraire, encore, la coïncidence avec ma vie privée (celle de mon conjoint) m'a emballée au point que j'ai traduit le Manifeste - avec l'autorisation de Dumitru Crudu -: il paraîtra à la suite de mon article!. Les premières lignes font état de coups reçus dans la rue: " Dans la nuit du ... au... nous avons été battus dans la rue (...) de ce jour nos écrits se sont appelés fractures". Neuf pages plus loin, le manifeste s'achève sur une définition:" Le fracturisme n'est ni poésie, ni prose, ni philosophie - le fracturisme, c'est d'être saoul, d'être lâche, d'être faible et sale, je veux dire, des trucs comme ça, fatigue, musique grunge (ou non ), fous le camp, extase et vis comme tu écris". Signé Ionut Chiva, ça conclut le texte intitulé " Le fracturisme en prose". Pour lui, les fracturistes se réclament ou se sont réclamés de Ginsberg, de Frank O'Hara, de Dostoïevski, de George Bacovia, de Le Clézio, de Salinger, de Kerouac, de Max Blecher.

A +

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2013-10-08T21:08:29+02:00

Les poissons rouges en carafe et les homards dans les phrases

Publié par montanié julie

-Mixage d'une double anecdote racontée par la guide du château du Bosc, une descendante du peintre si j'ai bien compris, sur le comportement de Toulouse Lautrec enfant en ce lieu où il passait ses vacances -

Lautrec aimait les plaisanteries (pas toujours de bon goût) et il s'amusait à plonger, avant qu'on ne passe à table, les poissons rouges du bassin dans les carafes d'eau. Ce qui l'arrangeait car il aimait surtout boire et faire boire du vin. Par ailleurs, il qualifiait un de ses oncles, gentillhomme campagnard au teint rougeaud, de homard.

 

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2013-08-07T20:24:47+02:00

'Jeanne' de Jacqueline de Romilly

Publié par montanié julie

Si le bon livre est celui qu'on lit d'une traite en dépit de l'heure... J'ai commencé "Jeanne" il y a deux jours à 23h 30 et je l'ai terminé le lendemain avant deux heures du matin. Aujourd'hui encore, j'y ai pensé toute la journée... Même en feuilletant au réveil la BD d'Elisa Giacomotti et Geoffrey Gillespie: "Le train de Montenvers. La mer de Glace" dont les premiers personnages ont des doudounes si joliment renflées par les crayons des dessinateurs mais des pulls à motifs norvégiens sans fluidité ni souplesse...La BD cite Chateaubriand, elle mentionne Marie Shelley qui a tiré l'idée du décor de Frankenstein de la mer de Glace, ce dragon à langue sinueuse: une langue ruisseau au débit bleu. Concernant les quelque 250 ouvriers italiens (dont des garçons de 14 ans) qui ont préparé les terrassements de la future voie ouverte au  train, la BD met un bas de page. Des ritals. La note explique: "Rital: réfugié italien. En 1894, suite à l'assassinat du Président français Sadi Carnot par l'anarchiste italien Geronimo Caserio, le racisme (sic) anti-italien est exacerbé." Pourquoi "racisme" et non "xénophobie"? Mais la BD m'a plu, avec sa locomotive verte et son premier wagon rouge sur fond de glaces éternelles en  première de couverture...

Pourtant j'ai continué de penser à "Jeanne", à son mari Maxime tué d'une balle dans la tête à sa première sortie de tranchée, dès sa première journée de guerre -14-18. D'ailleurs, je viens de parcourir sur internet une recension de Marc Fumaroli de l'Académie Française comme Jacqueline de Romilly. Il a trouvé aussi en 2011 lors de cette publication posthume (J. de Romilly est morte en 2010) que "Jeanne" est un chef-d'oeuvre. Et je me suis félicitée d'avoir acheté ce livre dimanche dans la rue principale de Chamonix où davantage de gens léchaient des glaces en cornets qu'ils ne se ruaient sur les tourniquets proposant des bouquins enfin en poche.

Ce que j'ai préféré dans le portrait de Jeanne? Qu'elle soit dès la première page "la jeune fille au bracelet d'argent". Qu'elle couse elle-même les robes de sa progéniture, rien que des ravissantes robes...Qu'elle collabore à la fin de sa vie avec une jeune écrivaine pour rédiger des livres destinés aux enfants. Qu'elle prenne sa voiture pour satisfaire un caprice de sa fille âgée de 13 à 18 ans: aller voir comment la mer brise ou se brise (une adolescente tombant dans Homère sur un terme à traduire par "brisant" et exigeant de voir une côte normande ou monégasque pour  voir/savoir comment ça se passe vraiment, sous peine de rater prix au Concours général, entrée à l'ENS?). Qu'elle attende que le bain dure comme on désire, laisse macérer dans l'eau à volonté, en écrivant dans sa voiture jusqu'à ce que la jeune fille intime l'ordre de redémarrer. Qu'elle ne stationne jamais à table mais dépose sur des tables roulantes la nourriture à picorer et faire picorer (Il n'y a qu'à voir les vidéos sur internet pour constater combien toute sa vie Jacqueline de Romilly est restée mince). Qu'elle préfère les appartements ensoleillés. Qu'elle soit démolie pour la journée, une fois rudoyée par sa bonne -espagnole-. Qu'elle s'improvise traductrice publiée de l'anglais sans connaître au départ un mot de cette langue. Qu'elle récolte cinq pages ou davantage: un album de critiques collées les unes à la suite des autres à la publication de son premier  roman. Qu'elle fasse fortune en plaçant habilement son argent puis en le retirant à point nommé quand autour d'elle, tous se ruinent, y compris les mieux conseillés.

Conte de fées.

Nathalie Sarraute aussi a eu une mère romancière à succès. Elle en dit moins de bien. Ou son  propos à ce sujet aurait-il le même sens? Apollinaire a écrit un poème sur les colchiques inversant l'ordre des priorités: mères de leurs mères, filles de leurs filles ou quelque chose d'approchant. Ginsberg a écrit un kaddish pour sa mère mais c'est une autre forme de jeu avec la notion de genre, de religion, de linguistique. Si "Jeanne" me semble appeler le terme: "parthénogenèse", c'est que nul père n'est à l'origine de la naissance de ce récit idéalement terminé, la fille helléniste rejoignant sa mère, fille d'helléniste dans ou après l'écriture romanesque de (leur) commune éternité.

 

 

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2013-07-31T11:11:56+02:00

Quand une marmotte

Publié par montanié julie

Quand une marmotte prend peur, elle pousse un cri strident. J'ai entendu le cri de la mienne avant de voir son ventre beige, sa tête dressée contre le ciel d'orage. Le talus était vert, le sentier en contrebas couvert de gros cailloux qui crissaient et roulaient sous mes brodequins. Elle avait dû m'entendre de loin mais n'a lancé ce cri que lorsque j'ai été à quelques mètres d'elle.

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