Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

2021-04-24T15:21:23+02:00

L'herbe, comme l'eau,

Publié par montanié julie

poussée depuis dix jours en massifs à demi-sauvages.

Elle ne retombe pas. Elle est verte. Rien à voir avec les jets (fontaine de Héron? vases communicants?) des plans d'eau au centre de Villeurbanne. Rien à voir non plus avec le mouvement perpétuel, paraît-il. Ca se saurait.

On peut cependant s'asseoir sur les bancs, regarder grimper le lierre sur les colonnes imitatives d'art grec.

Voir les commentaires

2021-03-27T22:09:22+01:00

Clavier de mars

Publié par montanié julie

Hier, rien, sauf deux -trois personnes qui s'ennuyaient à l'intérieur et commentaient sur les bancs l'absence de son et d'instrument.


Aujourd'hui,  un piano droit dont la jaquette inexistante révélait une petite usine à marteaux, touches et feutres, rectiligne,  compliquée. Dix personnes autour, à commenter le travail de celui qui s'affairait, tournevis en main, ou peut être molette à visser des écrous, avec le ton rogue servant à montrer qu'on est bien français dans les films français... Sûrement un spectateur lui avait posé une question imbécile...

C'est là qu'on est  bien content. e de trouver le soir Bertrand Tavernier, parlant sur Arte TV , dans "La vie et rien d'autre" (33 mn), dans "La brume électrique" (31 mn) de la nécessité de construire un film évoquant un métier sur un lexique précis, spécialisé, celui de cette activité, pour qu'il en sorte non pas une cabane de guingois mais une vraie maison, aux fondations solides. Il citait John Ford qui s'y est pris ainsi pour produire des chefs- d'oeuvres .

Une demi-heure plus tard, des sons bien articulés émanaient du kiosque Gandhi, domptaient l'attention des gens assis sur les bancs à regarder l'eau étale:  un pédalo turquoise avançait vers notre rive.

L'instrument à queue de l'année dernière (Association "Le piano d'or") est sans doute trop luxueux pour revenir aux quatre vents et leurs émanations humides. D'ailleurs, avant de jouer, les pianistes se plaignaient de ses touches désaccordées.

Si le piano de ce matin conserve sa position, ceux qui en jouent feront face au lac au lieu de lui tourner le dos..

Des pissenlits aux crocus, aux narcisses, aux jonquilles, aux tulipes, aux genêts, les fleurs de la Tête d'Or sont jaunes à présent, jaune fluo, jaune orangé, citron, soleil brûlé.  Les magnolias ont des fleurs raides comme des coquilles sculptées. Tavernier parlait aussi dans "La vie et rien d'autre" de sculpture industrielle, de l'époque où on s'est mis à produire de la sculpture à partir de moulages.  

Toutes les chaînes françaises diffusent du Tavernier. Dire qu'hier j'ai regardé "Marie Curie et la lumière bleue" -à ne pas recommander malgré ses beaux intérieurs, ses jolies vues de jardin- plutôt que "La princesse de Montpensier" même pas vu à Lumière il y a une quinzaine d'années lors de la rétrospective, en présence de l'auteur - si ma mémoire est bonne- au moins en ouverture. J'avais pourtant suivi presque tout le reste, un sacré paquet.

"Le progrès", "Libé", " L'Humanité", "Le Figaro" d'hier parlaient de  Bertrand Tavernier. Pas eu le temps de tout lire. Il faut bien mourir un jour, peut-être  le mieux est-il de se laisser enterrer par une journée de soleil, comme il dit dans "La vie et rien d'autre"...  La mort de Bertrand Tavernier est une chose aussi triste que celle de Raymond Chirat.

 

Voir les commentaires

2021-02-05T14:44:26+01:00

Au ras des pâquerettes

Publié par montanié julie

C'est-à-dire "ça vole bas" et autres expressions aimables censées reprocher aux personnes compliquées, instruites plus qu'elles ne le méritent, leurs chichis, leurs ergotages pollueurs de réel - cherchez le piston ou le fric à l'origine de leur savoir, ridiculement assimilé  parce que leurs  capacités cognitives innées, c'est une passoire de niveau très inférieur -. 

Hier, sur internet, je suis tombée sur trois brèves séquences impossibles à retrouver. Dommage que je ne puisse donc pas en indiquer la référence. Une députée s'est fait traiter par un confrère, en pleine Assemblée nationale, de "poissonnière". Une autre, moins de quarante ans comme la première, s'est fait lancer, à son arrivée à la tribune: "Toujours le même hôtel, même heure?" Elle a seulement dit, très calme avec son accent du midi: "C'est un goujat!". Une troisième a fait observer que c'est ce que subissent chaque jour les femmes "dans ce pays". La première a expliqué que l'injure "poissonnière" date de la Révolution française. Elle visait alors des femmes prenant la défense du peuple. Franchement, dans un  tel contexte, qui peut avoir le courage de "faire de la politique"? Juste après, j'ai regardé Aurélie Filippetti, en train d'expliquer à l'antenne à propos de  l'affaire de "La Familia Grande", qu'elle a tenté d'alerter la hiérarchie  de Sciences Po, où elle fait cours, sur cette histoire d'inceste. Elle aussi est plus que sympa. Et la voilà embarquée, en qualité d'agrégée de lettres classiques  ex-ministre de la Culture, à expliquer aux élèves de sombres histoires d'Atrides, d'Oedipe, de Phèdre, en somme à tenter de présenter sous un juste jour culturel des comportements criminels et le jugement qu'ils ont suggéré à la Psychologie et l'Histoire ... Comme pour se dédouaner d'avoir réussi jadis  l'agrég de lettres classiques, matières dans lesquelles Matzneff a (presque) une licence. 

Ce matin, l'herbe du Parc, une éponge verte entretissée de brun: la terre humide de la pluie des derniers jours... On y apercevait des dizaines, des centaines de crocus violets, l'équivalent des perce-neiges blanc et or observés pour la première fois il y a environ vingt ans au bas des pentes de Chamrousse, vers mars ou avril, alors que je longeais à raquettes la lisière neige/ prairie, faute de pouvoir skier. Autour de moi, devant moi, des hordes d'enfants, de gens jeunes, moins jeunes, avec leurs gracieuses figures, leurs puissants dérapages, leurs slaloms légers, leur godille sèche,  une cadence rockabilly, toutes ces afféteries, ces raffinements  serpentins, mutins, exhibitionnistes, frimeurs du ski du piste, révélateur de milliers d'heures usées à parfaire un style, grâce à des muscles parfaits, des os durs, élastiques que je ne possèderais plus. On venait de m'opérer, donc de me sauver la vie. Je pouvais m'estimer heureuse de pouvoir à nouveau marcher, marcher, oui, sans doute pour des années, avancer sur des raquettes, respirer cet air glacé, sentir sur mes avant-bras nus un soleil adjuvant de vitamine D. Puis m'asseoir de temps en temps sur un haillon de terre et d'herbe pour dessiner ces crocus, légères tiges transparentes qu'un effleurement briserait, de même que ces os de verre, de calcaire, d'albâtre mou à l'intérieur d'un corps atteint par une maladie que venait de me retirer un chirurgien aux yeux et doigts de génie - vue la petitesse de la glande-, suite au diagnostic du spécialiste plus génial encore qui avait trouvé du premier coup pourquoi je m'étais fracturée pour un rien et aussi dur. Une maladie, je crois, plus fréquente chez les femmes.

A part les crocus violets, il y avait  ce matin au Parc des pissenlits frais, jaunes, tout tendres, dans les aires  à demi-sauvages où pousse une herbe non tondue, délimitée par des barrières à cordes et poteaux, gardées  ainsi depuis le premier déconfinement. Puis les magnifiques col- verts du Jardin alpin... Les palmipèdes au bec et palmes assortis (un orange défraîchi) qui s'égaillent de-ci de-là, faute d'avoir recomposé la belle discipline admirée au printemps (tous tournés vers le soleil,  comme des prêtres incas).

Vont-ils - c'est-à-dire les responsables du Parc, qui règnent sur les petites bagnoles écolos,  qui prennent soin des allées, vertes, aristocratiques, épluchées par des ingénieurs , techniciens en uniformes élitistes - draguer l'eau du lac, comme ils l'ont fait l'an dernier, et en extirper peut-être - comme l'an dernier à partir du Rhône - des tonnes de trottinettes, de portables contenant des métaux pire que radioactifs? Si c'est le cas, cette année, ils se retrouveront sûrement à remonter des kilos de masques...

J'ai lu ces derniers jours  "L'année du Singe" de Patti Smith (traduit de l'anglais - Etats-Unis- par Nicolas Richard)/ "Year of the Monkey", Patti Smith, 2019, Gallimard pour la tr.fr. 2020. Je l'avais acheté en songeant à Jane Birkin et à son "Munkey diaries" paru chez Fayard en 2018, lu aussi il y a deux ans. Pas renversant mais intéressant, le livre étonne d'entrée par son incroyable distance émotionnelle. Une froideur égale face aux gens et choses, une politesse hippie: elle salue le premier de l'an depuis la baie vitrée de sa chambre d'hôtel vide, avec vue sur la mer. Une absence d'émotion face aux affronts dont on se demande si c'est celle de la dépression. Un couple l'embarque en co-voiturage à une condition: ne pas dire un mot du trajet (prépayé).  Ils ont préenregistré une liste musicale si belle qu'elle glisse deux mots d'émerveillement. Le conducteur stoppe, ouvre sa porte et la jette dehors. Elle s'excuse, ils la reprennent. Plus tard, ses covoitureurs s'arrêtent pour un arrêt technique. Elle se débarbouille dans les toilettes avant de rejoindre la voiture qui détale à son arrivée et l'abandonne, en proie à une  détresse qu'elle ne semble pas ressentir. Il en va de même pour un ancien amant. Lui la plante dans la poussière du désert où elle marche des heures, sans rien en vue. Cette traversée de l'Amérique est-elle un rêve? Bon, mauvais, un cauchemar? On dirait. L'Amérique de l'année des 70 ans de Patti Smith et celle de Trump, en train de parvenir à se faire élire. Le chapitre s'appelle "Grand roux" et il se réfère à "un escroc [qui] prétendait  briguer les rênes du pouvoir tandis que des boules de confusion nous arrivaient dessus, des dizaines de calots d'acier qui roulaient sous nos pieds, nous faisaient trébucher, nous maintenaient en équilibre. Les nouvelles s'abattaient sur nous et les esprits turbinaient pour essayer de comprendre quelque chose à la campagne d'un candidat concoctant des mensonges à une telle vitesse qu'on n'arrivait ni à suivre, ni à s'en détacher" (p.29). Comme un critique dont je n'arrive pas à retrouver le texte, j'ai noté la netteté et le côté appétissant des descriptions culinaires. Des mets bizarres quoique simples, élémentaires, pourtant raffinés. Des trucs américains sans heure, couvert, ni posture (avalés au réveil) dont la sophistication se confond avec un exotisme gauchiste respectueux du design. Des haricots noirs et des tacos au poisson. "J'ai pris un petit déjeuner à la japonaise dans une boîte laquée oblongue" (p. 67). Des spaghettis aux oeufs de poisson volant dont elle précise qu'un cuisinier les "lui prépare" (comme si elle était Coco Chanel et lui Bocuse), quoiqu'elle se trouve dans une gargote de bord de route. Des en-cas partagés avec son animal de compagnie. "La chatte se frottait contre mon genou. J'ai ouvert une boîte de sardines, lui ai haché sa part, puis j'ai coupé les oignons, fait griller deux tranches de pain d'avoine et je me suis préparé un sandwich" (p.82).  Des oeufs, des oeufs, des oeufs, qui vous font/ feraient traverser des frontières, ou prendre l'avion - d'où sans doute, chez cette écolo, ce soin à vous en confier la recette, par delà l'Océan-. "Au matin , j'ai bu deux verres d'eau minérale, brouillé des oeufs avec de la ciboule et mangé debout" (p.69), "Une femme nous a servi du café et deux assiettes de huevos rancheros avec des haricots revenus à la poêle et une purée d'avocats soyeuse" (p.71).  Une sympathie pour l'Asie et ses représentants, porteurs d'esthétique mémorielle. Dans le Chinatown de San Francisco "un garçon au visage rond, en pyjama, est apparu avec un verre de thé et un petit panier de raviolis fumants, puis a disparu derrière un rideau à motif floral rose et vert" (p.66). Des souvenirs d'amour qui la ramènent aux temps de la guerre du Viet- Nam tandis que son/ sa lecteur. e voit se profiler la silhouette de l'époque où elle était mannequin, apprentie institutrice disciple de Ginsberg - lui-même très écolo,- où elle concevait "Horses" (était-elle bien alors la compagne de Sam Shepard?): "J'ai repensé aux endroits où nous avions voyagé [...] Nous avions trouvé la rivière Lénine, où Hô Chi Minh s'était lavé" (p.69). Les  eaux du Gange de l'époque et de ce rêve qu'est "L'Année du Singe", commencé dans l'hôtel "Dream Inn", qui semble n'avoir rien à voir avec "I have a dream" de Martin Luther King mais beaucoup avec les "Visions of Johanna" de Bob Dylan, en première partie duquel Pattti Smith a été invitée à chanter. 

A propos d'Amérique, j'ai aussi acheté un magazine "Doc de l'Actu Play bac" dans  un bureau tabacs presse que je fréquente énormément (au point d'y prendre des bios pas chères sous couverture cartonnée, de gens dont je connais la vie par coeur, mais c'est comme le trajet dans l'existence de Lady Diana, Kate Middleton, Jackie Kennedy, pas moyen de s'en lasser... donc  j'ai acheté "Hannah Arendt, Le pur esprit qui théorisa la banalité du mal", RBA, 2020, plutôt très bien fait)...  Ce "Hors-Série, Doc de l'actu" (En accord avec les programmes scolaires - histoire-géo-anglais...) est d'octobre 2020 mais je le refeuillette sans cesse, en parallèle  des documentaires projetés sur Arte TV, regardés depuis deux mois, à l'heure du cinéma du soir, jadis passée à l'Institut Lumière, surtout pour le plaisir de marcher dans la nuit et  de sortir...  Intitulé: "Les présidents américains, de George Washington à Donald Trump". Un titre understatement car la dernière rubrique est consacrée à Joe Biden, "candidat démocrate 2020". Un de mes chapitres préférés: "Jimmy Carter", un président dont j'avais oublié les actions, jusqu'à l'existence et même le Prix Nobel de la Paix, décerné après la fin de son mandat. Un homme pas très beau auquel un rire permanent communique une sorte de grâce, qui respire la bonne volonté, le courage, le dévouement et, oui, l'intelligence efficiente même au niveau médical, dans un film documentaire projeté sur Arte aussi.... "Jimmy Carter, le président rock' n roll", 92 minutes, disponible du 20/01/2020 au 18/06/2021. Réalisation: Mary Wharton. Pays: Etats-Unis. Année: 2020. Un film où apparaît  Bob Dylan disant du bien de lui, de son intérêt pour les artistes: folk-song, jazz et sq... En effet,  Jimmy Carter a été le premier (le seul?) président persuadé de la force , de la nouveauté, de la représentativité, du charisme mondial de l'expression musicale/ littéraire américaine de son  temps. Un président qui a anticipé en somme, sinon activement préparé, le Prix Nobel de littérature de Bob Dylan. 

Voir les commentaires

2020-12-07T14:48:55+01:00

Une charmille à quatre arceaux

Publié par montanié julie

Une charmille à quatre arceaux

Voilà de quoi assurer (pour les vingt prochaines années) le charme parc de château italien du croisement qui fait face à la pharmacie des Brotteaux.

Chaque fois que je lis "Place Général-Brosset" pas loin de cette charmille, je me demande si Michel Berger, en écrivant/ jouant "Diego libre dans sa tête" pensait à ce personnage ou à un autre héros né en Amérique latine. L'an dernier (il y a deux ans?), une commémoration rappelait la Libération de Lyon. Musique militaire, édiles drapés de bleu-blanc-rouge,  scouts qui vendaient des calendriers, vieilles dames assises sur les bancs du jardin de jeux dont l'une m'a dit qu'elle avait été invitée. Personnellement. Elle était très en dimanche. D'ailleurs c'était dimanche. Pendant le discours  en plein air, il me semble avoir entendu l'orateur dire:  Diego a été aussi un écrivain de talent.

Au début du deuxième confinement, j'ai acheté à la Librairie du Parc la presque intégralité de la série de Jacques Morize dont l'élégante jaquette noire surplombe des vues photographiées de quartiers. "Le diable de Montchat" a la plus jolie, avec ses façades jaunes, roses, blanches où le soleil donne, des maisons modestes à un étage dont l'arrière cour abrite à coup sûr un jardin, un arbre soigneusement entretenu. "Les martyres de Montplaisir", "Crimes à la Croix-Rousse", "Rouge Vaise", "Mourir à Ainay", "Le fantôme des Terreaux", "L'inconnu de la Tête d'or" voilà les titres.  J'étais sûre de descendre la série en deux jours-deux nuits, pour le plaisir de faire la connaissance du commissaire Séverac. Surtout  pour me promener dans des endroits inconnus où mettre les pieds dès que l'autorisation de dépasser le périmètre quotidien (un kilomètre) serait délivrée. J'avais oublié que je n'aime pas les policiers. A part Agatha Christie, réputée avoir le génie de la logique,  une femme à la vie extraordinaire - épouse d'un jeune archéologue qui l'emmena en Egypte, pour la consoler de  l'échec  de son premier mariage,  dont j'ai surtout adoré l'autobiographie-. Simenon, psychologue hors pair. San Antonio qui résumait avec son Béru du siècle dernier, l'essence de l'âme lyonnaise. L'idée de Jacques Morize:  les enquêtes du commissaire Séverac "s'organisent toutes autour d'un arrondissement de Lyon" est excellente et ses histoires les plus anciennes datent d'environ 2015 (Editions AO, André Odemard, Villeurbanne, www.ao-editions.com).

Mais j'ai préféré finir "Vous n'aurez pas les enfants" de Valérie Portheret, préfaces de Serge Klarsfeld et Boris Cyrulnik (août 1942, "L'incroyable sauvetage des enfants juifs du camp de Vénissieux" -Document- X0 2020), recommandé par une dame parente d'une jeune fille sauvée et "Miarka" d'Antoine de Meaux ("Le destin exceptionnel de Denise Vernay, la soeur aînée de Simone Veil", Phébus, 2020). Les deux évoquent aussi Lyon. Le livre de Valérie Portheret présente une image merveilleuse de la solidarité lyonnaise, du coeur de ces membres d'oeuvres sociales parvenus à secourir la totalité des 108 enfants, 471 êtres humains en tout, sur 1016 Juifs étrangers arrêtés en Rhône-Alpes. Mais "Miarka" développe un parcours de vie - à peine esquissé en germe par le livre de Valérie Portheret, qui a pourtant suivi les enfants survivants, leurs résiliences, sur lesquelles elle écrira peut-être encore un jour- en vrai roman géographique, historique urbain. Un article du "Progrès" 7 novembre 2020 signé Nicolas Ballet, cadre la trame narrative de la résistance de Denise Vernay selon le plan suivant: - Place des Jacobins (Lyon, 2 ème), - Avenue de Saxe (Lyon, 3 ème), -Rue Claudius- Pennet (Lyon, 3 ème) où la jeune fille, agent de liaison, loge dans un réduit misérable, - Place Bellecour (Lyon, 2ème). Le siège de la Gestapo où elle sera torturée après l'arrestation en Saône-et-Loire, transférée à la prison de Montluc (3 ème) se trouvait en effet Place Bellecour, côté ouest. Miarka  a été déportée par la gare de Perrache. A Ravensbrück, elle fait partie du  "groupe des Françaises" dont Antoine de Meaux cite le descriptif par Germaine Tillion, "ethnologue spécialiste du monde berbère, membre du réseau du Musée de l'Homme, [qui se donne] pour mission d'étudier le système concentrationnaire à partir de l'exemple de Ravensbrück. Grâce aux détenues affectées aux postes administratifs, elle collecte des informations qui lui permettent d'analyser, derrière l'apparente désorganisation du camp, le système économique mis en place par les S.S" (p.176). Après 1967, Miarka mère d'enfants déjà grands, devient secrétaire de Germaine Tillion, qui l'accueille dans son séminaire de l'Ecole pratique des hautes études. "En 1976, elle soutient un mémoire intitulé 'Un regroupement de Français musulmans. L'atelier de tissage de Lodève", étude-enquête de 200 pages consacrée à une communauté de harkis de l'Hérault" (p.232).  A Ravensbrück, Denise a rencontré Mila Racine, passée par Montluc aussi, qui cache comme elle une identité susceptible de l'envoyer à Auschwitz et a fait partie d'un mouvement de jeunesse transférant "pendant plus de vingt mois des dizaines d'enfants juifs en Suisse". La biographie insiste sur l'activité d'éclaireuse de Denise qui a donné forme à sa résistance, sur les "carnets intimes" (une occupation passible de peine de mort) qu'elle a rédigés, cinq mois après son arrivée au camp.  Elle y prend des notes sur la psychologie de la vie carcérale, qui est celle de la vie tout court: "faim, chaleur ou même une petite joie, une vraie bonne nouvelle, une conversation intéressante ; le tout suffit à nous donner un moment d'euphorie extraordinaire; même un sourire peut vous mettre dans un tel état. Inversement, une mauvaise nouvelle, une mauvaise soupe, une réaction désagréable [...] Nous devenons des baromètres d'enfant qui passent du bleu au rose à l'humidité" (p.172).

Un fils de Miarka, Laurent Vernay, vit dans l'Ouest Lyonnais où il est hôtelier. Il dit avoir éprouvé à la lecture de ce livre - acheté en partie sur la foi de son interview, Progrès du 7 novembre- "une émotion durable". Sur une photo de jeunesse en exclusivité dans "Le Progrès", la beauté de sa mère adolescente était extraordinaire. Elle était plus belle même que sa petite soeur devenue ministre, qui pourrait l'imaginer? Aura-t-on bientôt "une rue ou place Denise-Jacob-Vernay" à Lyon?  "Contactée par Le Progrès, Florence Delaunay, adjointe EELV à l'Egalité femmes-hommes, s'y dit très favorable."

Chaque fois que je longe les plaques de Villeurbanne commémorant ces fusillés même pas majeurs du temps (entre 16 et 19 ans), pourquoi ai-je en tête la rugosité de la voix de Marc Ogeret chantant les soldats en direction du front, Première guerre mondiale : "Déjà la pierre pense où votre nom s'inscrit/ Déjà vous n'êtes plus qu'un mot d'or sur nos places[...] Déjà vous n'êtes plus que pour avoir péri". Aragon sans doute. Marc Ogeret venu donner un récital au Palais du Travail à Narbonne. Le disque est dédicacé. La salle n'était pas comble, dans la ville alors la plus anciennement socialiste de France, 75 ans de votes socialistes ininterrompus, quand ça a cessé, je devais être étudiante, des journaux nationaux ont même évoqué la fin d'une dictature.... Ma mère m'accompagnait, sans doute avait-elle cédé à ma supplication d'y assister, elle m'a offert le disque. C'était le temps où je lisais et apprenais par coeur n'importe quoi, pourvu que ça rime ou assone.

 "Miarka" évoque au passage des gardiennes SS  férues d'élégance - française - quand elles ne portent pas l'uniforme, exploitant gratuitement le travail de couturières exceptionnelles. Elle porte donc aussi un éclairage social-économique, celui de l'esclavage, sur "Moi, Dita Kraus, la bibliothécaire d'Auchswitz" (traduit de l'anglais, USA, par Eric Betsch, 2020, Michel Lafon). Un gardien demande à la prisonnière de 14 ans habile de ses doigts de confectionner pour sa propre enfant une poupée. D. Kraus s'exécute, profitant, c'est vrai, durant son bricolage, d'un bâtiment presque chaud, de l'opportunité de chiper de la nourriture. Le récit de sa vie à Prague, avant la déportation, a évoqué ses jeux d'enfant tchèque disposant à domicile d'un théâtre de marionnettes. L'après déportation la montrera  de retour à Prague, ses parents assassinés, puis émigrant en Israël où elle devient cordonnière dans un kibboutz, avant de coudre des robes pour sa propre fille, morte adolescente. On tremble de songer que le gardien qui a aidé D.K en lui procurant un peu de bien-être, se conformait à un système permettant aux enfants de nazis de se procurer distractions et culture au détriment de ceux qu'on tuait quelques mètres plus loin. Explicitement d'ailleurs la question est abordée dans la première partie du livre. Une petite amie de D. Kraus en route pour un camp lui donne ses livres et des jouets dont elle aime mieux la faire profiter que de les savoir aller droit dans le sac aux cadeaux d'enfants nazis. 

Pourquoi lire des choses si atroces? Il y a deux ans, le livre de Robert Badinter sur sa grand-mère "Idiss" m'a appris des détails sur l'éducation des filles au début du XXème siècle en Bessarabie (Fayard, 2018). Je ne savais même pas que Robert Badinter était, en somme, d'origine roumaine... Suite à l'obtention du prix des "Inrockuptibles" par un livre d'Aharon Appelfeld, j'ai lu en ligne le début du roman de sa traductrice française, Valérie Zenatti: "Quand j'étais soldate". Valérie Zenatti est née à Nice, elle a passé son bac en Israël. Elle raconte que les candidats au bac doivent y apprendre par coeur des détails concernant le fonctionnement des camps d'extermination pendant la Shoah, celui des sélections qui tuent ou laissent vivre, colonne de droite, colonne de gauche etc.

On apprend  dans "Miarka" que les prisonnières les plus haïes par les gardiens de Ravensbrück ou Mauthausen étaient les femmes soldates de l'Armée rouge, et les plus maltraitées, parce que non couvertes par la Convention de Genève. Que le nom de code de l'historien Marc Bloch, fusillé près de Lyon, était "Narbonne". Que André Jacob, le père de Simone Veil et de Miarka, qui était architecte (second Prix de Rome) méprisait Le Corbusier, pour des raisons de style . Le détail a été éclairé par un souvenir de voyage organisé en Italie l'an dernier - Lac de Côme -, avec les Amis du Musée . Au fil des rues, le guide italien a raconté que Le Corbusier cherchant du boulot et ne sachant plus à quel saint se vouer - si on ose dire- a proposé ses services à Mussolini. Le Duce a décliné la proposition. Des comme ça, il en avait d'autres ... L'anecdote m'avait semblée improbable. A présent, j'y crois mordicus. Et regrette de n'avoir pas mieux remercié et félicité ce guide... Si par hasard, il me lit... 

 

Voir les commentaires

2020-06-30T07:50:35+02:00

Le kiosque de l'île Gandhi

Publié par montanié julie

Il y a trois semaines, un mois, dès le déconfinement, des notes de clavier électronique s'échappaient de l'intérieur pour ceux qui longeaient le lac.

Puis deux jeunes filles se confiaient  des secrets sur le premier banc après l'anse où les palmipèdes - des canards? des oies? - se tenaient face au soleil immobiles, ventres de gongs en bronze et vieil or poli. Pas un musicien dans le kiosque. La première adolescente parlait, ses deux mains plaquées au manche et à la caisse de résonance d'une guitare. La seconde  écoutait. Sur ses genoux reposait une minuscule mandoline, on aurait dit celle d'un Pierrot, au bois badigeonné de blanc.

Deux jours plus tard, sur le même banc: une vraie leçon de guitare. Avec un homme jouant face à une jeune fille, qui reproduisait ses doigtés. 

Enfin,  dimanche matin, un piano à queue installé on ne sait quand (2013). Un pianiste en T-shirt orange  beau comme un fils de Le Clézio et de Naomi Campbell, disait à un admirateur qu'il ne trouvait plus le temps d'apprendre de nouvelles partitions. Il a continué son concert pour le soleil et les arbres séparant le sentier du lac, les trois ponts, les promeneurs dont aucun ne s'arrêtait mais tous les bancs alentour étaient remplis d'auditeurs dont les applaudissements fusaient entre les morceaux. 

La même matinée, la berge du restaurant fermé comptait sept chevalets, orientés moins vers Fourvière que face aux grands immeubles blancs en barres sur la colline.

Dans le premier café avant le Lycée du Parc, une dame plutôt âgée étudiait une partition dont les feuillets bouclaient encore, ils devaient sortir d'une poche ou d'un rouleau de fond de sac. Elle pianotait sur la table, pour l'agilité des doigts, face à sa bière et son smartphone, coincé comme un cadre à photos dans la rainure de deux tréteaux de bois.

Le kiosque du Parc est peut-être une variante des podiums/ halls de gare où depuis des années, d'incroyables amateurs jouent des enchaînements perlés. Une rampe de lancement pour des gens que personne n'écoute. Un lieu de récréation  pour de vraies vedettes qui y jouent incognito. Une chambre d'enregistrement sans micro mais sélect devant laquelle il faut faire queue pour avoir une chance d'y jouer, ou se mettre sur liste d'attente.

Voir les commentaires

2020-05-31T15:03:07+02:00

Couleurs et matières du confinement

Publié par montanié julie

A part le vert jade de la maison habillée de lierre, visible des balustrades-balcons...

Ce vert jade a disparu, tondu depuis son propre toit, qui menaçait à son tour de se faire dévorer par la reptation du lierre. Il y a deux-trois semaines, un homme funambule y travaillait dès le matin. Quarante huit heures plus tard, la maison- forêt-vivante avait retrouvé deux façades ordinaires, à peine striées de courtes lézardes: des branches, des pousses? où vont peut être ressurgir des bourgeons et rameaux verts. Tout l'été dernier, la rétrospective "Chaplin" projetée à Lumière Bellecour me suggérait de comparer la maison-cube verte avec la cabane de "La ruée vers l'or". Et si les habitants lyonnais de la première, dans le rôle de Charlot, faisaient bouger ses planchers en avant, en arrière, des tréteaux de balançoire prêts à basculer dans un gouffre d'Alaska un peu comme celui du film? Avec ses meubles, ses livres, ses visiteurs, ses enfants, sa cuisine, sa vaisselle… Les lianes de lierre verdissant ses façades seraient les cordes magiques la  soulevant jusqu'au ciel, la suspendraient aux nuages, aux sangles provisoires du vent, promptes comme des rubans à la bercer un peu, avant le retour de l'équilibre.

Dans une rue adjacente presqu'en face de la nôtre, une autre petite maison commence à se couvrir de lierre...

Le rouge et le noir sont les couleurs du drapeau du Val D'Aoste, confirme un livre magnifique de Louis Oreiller avec Irène Borgna: "Là où l'horizon est plat, je ne tiens pas- une vie hors des sentiers-", tr. de l'italien par Laura Brignon (2018, Milano; éditions Glénat, Grenoble, 2019). Le récit est un témoignage d'Italien pauvre né aux bords du Gran Paradiso en 1934. Il devient contrebandier, braconnier avant de se convertir à la légalité: il travaille alors comme garde-chasse, puis garde du Parc national. Le livre est rempli de marmottes, de bouquetins, d'avalanches, de glaces, des sauvetages en montagne de hautes personnalités italiennes au risque de sa propre vie -il y a même un Allemand, médusé de se voir secouru avec un tel héroïsme-. Et le retour en montagne d'une petite fille atteinte d'appendicite, dont la péritonite s'aggrave sur le traîneau en route vers l'hôpital, mais elle y guérira après plusieurs mois entre la vie et la mort. Le style d'Irène Borgna (docteure en anthropologie alpine, guide naturaliste) use d'une langue merveilleuse, sans qu'on sache si c'est la sienne, celle de Louis Oreiller ou le talent de la traductrice, qui assure le transfert d'un tel bloc d'enchantement verbal. 

Retrouvé des évocations du rouge et du noir, durant la lecture d'"Hommage à la Catalogne, 1936-1937" de Georges Orwell, tr. de l'anglais par Yvonne Davet pour Gallimard en 1955 ("La Catalogne libre"). Le livre d'Orwell/Eric Blair est de 1938, publié en 1982 aux éditions Ivrea (fonds Champ Libre/ Gérard Lebovici). L'édition lue ou relue est de 2013, édition de poche 10-18, achetée en 2014. Huit sigles omniprésents dans le récit/ reportage sont explicités entre la page de titre et la première page de texte. Ils rendent compte de la tension entre les forces qui précipitent Eric Blair/ Orwell- au départ un engagé volontaire des milices -dans des combats de tranchées, en passant par l'hôpital,  la prison,  les rues de Barcelone… Les évocations des Ramblas en -36, des rues, des hôtels, sont difficiles à oublier… Parmi les sigles expliqués donc: -P.S.U.C: Partido Socialista Unificado de Cataluna (à l'époque dirigé par les communistes et affilié à la III ème Internationale),- P.O.U.M: Partido Obrero de Unificacion Marxista, -F.A.I: Federacion Anarquista Iberica etc. Le livre s'achève sur un retour par Banyuls, un passage en France où "Paris est gai, prospère", jusqu'à l'Angleterre du Sud, "le plus onctueux paysage du monde" dont l'auteur espère que le "profond sommeil" ne sera pas tôt troublé par "le rugissement des bombes". Mais avant cela, un passage de frontière et cette note sur l'étrange addiction créée par le partage de la douleur et du danger. "Il ne faisait pas chaud, un vent persistant soufflait, la mer était maussade et agitée, et sur le pourtour du port une écume de cendres, de bouts de liège et d'entrailles de poissons venait battre les pierres. Ca peut paraître de la folie, mais ce dont nous avions l'un et l'autre envie, c'était de retourner en Espagne. Bien que cela n'eût été d'aucune utilité pour personne et même eût pu être très nuisible, oui, tous deux nous regrettions de n'être pas demeurés là-bas pour y être emprisonnés avec les autres [...] des visions, des odeurs, des sons, que les mots sont impuissants à rendre: l'odeur des tranchées, les levers du jour sur des horizons immenses dans les montagnes, le claquement glacé des balles, le rugissement et la lueur des bombes; la pure et froide lumière des matins à Barcelone, et le bruit des bottes dans les cours de quartier, en décembre, au temps où les gens croyaient encore à la révolution; et les queues aux portes des magasins d'alimentation, et les drapeaux rouge et noir, et les visages des miliciens espagnols, surtout les visages des miliciens..." [p.232].

Une nouvelle traduction française de "1984" a été publiée ou va paraître. Orwell, sa vision du totalitarisme, d'un langage unique imposé au monde, de la surveillance omniprésente violant toute frange de sensation privée sont donc à nouveau d'actualité (mon souvenir de lecture d'adolescence cadre l'image d'une seule scène: le héros recherche un coin de campagne où s'allonger avec sa bien aimée. Orwell décrivait -il l'odeur du printemps, la caresse de l'herbe, du soleil comme une sensation déchirante, plus forte même que l'attrait érotique? L'impression sensorielle était- elle ou non guettée par Big Brother derrière les yeux photographiques fixés aux barbelés, puis volée aux amoureux, avant qu'Il ne les fasse jeter en prison, leur dérobant la nature pour toujours?)

Surtout, quelle explication scolaire du "Rouge et le Noir" de Stendhal avait-elle commenté la bipolarité des couleurs au choix pour la  destinée de Julien Sorel: le noir d'une carrière ecclésiastique, le rouge de la tentation révolutionnaire - françaises -, sans effleurer la réalité - imbécile ou trop triviale -  de la couleur du drapeau du Val d'Aoste? Un choix de couleurs  pourtant aussi justiciable d'une analyse d'intention d'auteur (né à Grenoble, plus de cent kilomètres de Courmayeur, mais à vol d'oiseau?) que le mauve sous-jacent à l'énoncé de l'autre titre coloré de Stendhal: "La Chartreuse de Parme"? Wikipedia ajoute que Stendhal est familier des titres colorés avec "Le Rose et le Vert", puis "Le Rose et le Blanc" (Lucien Leuwen).

Avant la page aux sigles, une note de la traductrice Y.D. signale pour "Hommage à la Catalogne": une "ordonnance des chapitres dans la traduction française différente de celle de l'édition anglaise initiale". Deux lettres  d'Orwell- juillet 1946 et janvier 1947- ont recommandé le report en appendice des chapitres V et XI. L'Appendice I est intitulé: "Les dissensions entre les partis politiques". Il explore les relations entre communistes, anarchistes et POUM surtout. L'Appendice II a pour titre: "Ce que furent les troubles de mai à Barcelone". Il évoque la prise du Central Téléphonique précédant des barricades. Le paragraphe II ou un autre passage mentionne des pavés arrachés au sol pour servir de projectiles, puis la mer appelée à surgir sous les pavés (l'image suggère une réinterprétation politique de la formule française "sous les pavés, la plage"... en mai -68. Invite à changer la vie ou rappel historique du mai d'Orwell vécu à Barcelone…?).

Sur le fil/ filin des images de plage, de cinéma originel, d'engagement britannique du côté antinazi, continuons en progression sautillante, la projection funambule d'évocations de mes lectures groupées, enchaînées comme des perles…  Dans mes provisions de confinement, il y avait encore: "Deux messieurs sur la plage", de Michaël Köhlmeier, tr. de l'allemand par Stéphanie Lux, Actes Sud, Babel, 2015 pour la tr. française, ("Zwei Herren am Strand", Munich, 2014). J'y ai puisé les séquences- cinq parties en alternance, cadrage focalisé tantôt sur l'homme politique, tantôt sur l'acteur/cinéaste-, de l'histoire d'une amitié entre Churchill et Chaplin. Les deux étaient réunis par leurs "crises de mélancolie et leurs tendances suicidaires". Ce qui m'a le plus frappée: un détail de vie privée, confirmé par la biographie "Churchill" de François Bédarida (1999 pour la première édition Fayard, 2012 pour l'édition Fayard/ Le Nouvel Observateur), retrouvée aussi sur mes rayonnages. La destinée "poignante" des deux filles du premier ministre, de sa préférée surtout: Sarah, qui deviendra comédienne et s'enfuira à New-York "au moment de la crise dynastique en Angleterre" [F. Bedarida, p.188] ... Belle, fantasque, amoureuse de poésie allemande lors d'un voyage de vacances de la famille Churchill sur le Rhin, en 1932 [Köhlmeier, p.176-179], Sarah finira sa vie en alcoolique à Chelsea, en 1982. A son départ en Amérique, Köhlmeier produit une lettre touchante de Churchill à Chaplin: il lui recommande de prendre soin d'elle, venue à l'âge de 13 ans découvrir le mime conversant avec son père, un soir, dans son salon de campagne. F. Bedarida raconte enfin, comme le fera M. Köhlmeier, les hobbies de Churchill  en ce manoir de Chartwell, acquis en 1922: les travaux de rénovation, de transformation, le jardin "créé de toutes pièces avec un soin jaloux où W. passera des heures à peindre", la maçonnerie qui lui fera une réputation de briquetier et le rêve de ferme, dès le début. "Mais ni ses élevages de vaches, de moutons et de cochons ni sa basse-cour n'ont réussi. Il avait pourtant un faible pour les cochons, comme il l'a expliqué un jour à son petit-fils Winston: 'Alors qu'un chien lève le regard vers vous et qu'un chat le baisse sur vous, un cochon vous regarde droit dans les yeux et il aperçoit un égal'. En fait, seuls les cygnes, les oies et les poissons rouges ont prospéré."[F. Bedarida, p.181].

Cette anecdote sur les cochons a sûrement été vue comme très importante, en matière de chronique journalistique, politique anglaise… A cause de "La ferme des animaux" de Orwell, bien sûr. Ainsi F. Bedarida signale en note que le petit-fils de Churchill en développe la trame, dans ses Mémoires publiées ("Memories and Adventures", Londres, Weidenfeld and Nicholson, 1989) et dans un article du "Sunday Times", 5 février 1989, titre: "Grandpapa Wilson"[Bedarida, p.181]. Aussi ai-je intercalé une lecture gratuite en pdf de "La ferme des animaux", tr. Jean Quéval (La Bibliothèque électronique du Québec). En me rappelant un détail de la vie conjugale de Panaït Istrati avec sa première femme, Janeta Maltus, une militante politique acharnée, puis de leur divorce consécutif à des querelles à propos d'un élevage de cochons en Roumanie, dont Panaït aurait conçu l'idée de rêve. Et l'affection/ admiration portée aux cochons par le futur ami de Romain Rolland, commentée par son autre ami, le bottier Ionesco, qui hébergera Panaït dans son sous-sol parisien lors de la rédaction du premier livre en français. Ce préjugé favorable - les cochons sont les plus intelligents des animaux, les plus idéalistes, même- était-il répandu à l'époque chez les utopistes sociaux, les moralistes de Roumanie, voire d'Angleterre, sûrement en prémonition de  l'idée de ferme conçue en premier par Churchill avant Orwell? "Le porc": éloge ambigu de l'amabilité du cochon et de son bonheur quand il se roule dans la fange, a été publié  par B. Fundoianu (Benjamin Fondane) dans "Rampa", en roumain donc, le 16 février 1921... Le texte a été rédigé à Ungheni, par conséquent sur une rive du Prut,...

Bestiaires, bestiaires...

"Danny le champion du monde" de Roald Dahl, tr. de l'anglais par Jean-Marie Léger, illustrations Boiry - livre de poche junior 1996, Stock, Paris 1972, Librairie Générale Française pour les illustrations, 1981- parle aussi d'animaux. Le bestiaire est composé de faisans surtout, car le père de Danny est un braconnier hors pair menacé par la prison et l'hostilité de l'horrible propriétaire d'une forêts à faisans. Mais Danny a du génie. Les grains de raisin chargés d'attirer les volatiles dans des pièges, il les farcit de pilules somnifères qui en endorment cent vingt, dérobés du coup à la surveillance du territoire de chasse pour la bonne société… La couleur de ce roman, c'est celle du pré des bois où stationne la roulotte du père de Danny, un homme devenu si pauvre qu'il doit vivre comme un gitan sur cette parcelle, son unique bien. "Charlie et la chocolaterie", R. Dahl toujours, illustré par Quentin Blake, tr. de l'anglais par E. Gaspar - Folio junior 2007 (1964 pour le texte anglais, 1995 pour les illustrations) - a les teintes définitives, le brun cacao des cascades du chapitre 15: "une eau trouble et brunâtre" mais surtout les nuances du film de Tim Burton. Les passages acidulés de la visite de l'usine m'avaient fait grincer des dents au cinéma mais l'arrivée à l'image de la masure noire, grise, bleutée bâtie entre neige et misère, où s'entassent sur un seul lit les quatre grands-parents du petit Charlie, le plus méritant des enfants, soufflait des effluves d'amour,  des mélodies visuelles d'alto accompagné de violoncelles. "Sacrées sorcières" en revanche  est un livre vert sombre, tout en flocons, en forêts, en fenêtres de salon où grand-mère conte le soir. J'ai sauté les passages  sur les diaboliques vieilles, soit l'essentiel du bouquin, pour me concentrer sur les rares morceaux élégiaques. "Grand -mère était norvégienne[…] Avec ses sombres forêts et ses montagnes enneigées, la Norvège est le pays natal des premières sorcières[…]".Roald Dahl, illustré par Quentin Blake, Folio junior, Gallimard jeunesse, 2007, 1984 pour la tr. française par Marie Raymond Farré. 

Mais c'est "Palais de glace"de Tarjei Vesaas, que j'ai feuilleté avec le plus d'espoir d'y trouver une profusion d'illuminations rimbaldiennes, éclats, transparences argentées, immaculées, glaciales en prévision de ce qui se produit à présent, en attente de la deuxième phase de déconfinement: une chaleur vert et or qu'on souhaite douchée bientôt d'averses et gouttes brillantes. "S'enfonçant dans les arbres, elle s'assit sur une pierre. Les branches n'avaient pas encore de feuilles et elle pouvait voir la longue succession des troncs dénudés. L'endroit où elle s'était arrêtée se trouvait un peu à l'abri du bruit de la cascade qui malgré tout, remplissait l'air par sa puissance et faisait vibrer l'atmosphère. C'était perpétuel et sauvage. Un renouvellement sans fin." Un livre de poche corné, jauni, usé, fané, impr. 2ème trimestre 1977, tr. du norvégien par Elisabeth Eydoux. Oslo, 1963, pour la traduction française: 1975, Flammarion.

 

Voir les commentaires

2020-04-29T13:52:15+02:00

Péans pour Pindare.s

Publié par montanié julie

Dans quel roman de Colette l'image des skieurs rejoignant leurs chambres d'hôtel, après la clôture des pistes, m'a-t-elle frappée par sa mélancolie? Les pistes désertées, on prévoit l'ombre bleue en train de virer au gris, au noir profond, on touche le froid qui augmente sur la balustrade du balcon, la croûte de glace en train de recouvrir la surface jaunie, striée de tracés parallèles et puis - anachronisme - l'arrivée de la dameuse quand le noir envahira tout, le gyrophare dans la nuit à regarder jusqu'à plus soif parce que c'est aussi cela, la fête des vacances: ce qui se passe sur les pistes, une fois les pistes fermées.

Les skieurs revenaient donc "leurs grandes ailes repliées sur l'épaule" et on imaginait l'écrivaine impotente comme au temps du "Fanal Bleu", jouissant par procuration de l'air glacé qui augmente l'envergure des poumons, d'articulations souples, de muscles rassasiés par l'exercice du jour, prêts à s'abattre sur un lit pour recommencer tôt le lendemain à voler de piste en piste, de collines de bosses en boulevard facile, où se regrouper schuss… mais il y a de fortes chances pour que Colette ait écrit sur le ski de France d'avant les années -50,  les années de J.0 1952 à Oslo "berceau du ski". "Trente nations, avec 732 participants, vont concourir. La flamme olympique est allumée dans la maison de naissance de Sondre Norheim (en région de Telemark), avec, pour dernier relayeur de la flamme, le petit fils de Nansen. Pour la première fois, l'ouverture des Jeux est proclamée par une femme: la Princesse Ragnhild de Norvège"(p. 29), voir "L'épopée du ski...6000 ans déjà". Elisa Giacomotti: scénario, Geoffroy Gillespie: dessins et couleurs, Coll. Chamonix Mont-Blanc, Editions Elisa, 2014. Une BD achetée juste avant le confinement, comme l' oeuvre complète de Marguerite Yourcenar dans la Pléiade (Gallimard, 1982) commandée en vitesse chez Decitre, arrivée en carton éventré dans ma boîte, deux jours après le 17 mars quand les librairies avaient déjà fermé -mais les livres sont intacts -...

Je voulais vérifier si "L'oeuvre au noir" - parlait de peste.  Dans les listes littéraires à thème d'épidémies, "La Peste" de Camus arrivait en tête, et pas de mention de Yourcenar. Je n'ai trouvé  ni le temps ni l'envie de relire "L'oeuvre au noir" mais j'ai avalé "Pindare" que son auteur. e trouve insuffisant. Pourquoi? On est saisi par la grâce du récit, le talent narratif, l'atmosphère ensoleillée, l'évocation de chroniqueur sportif, en somme, qui se pique de vanter la beauté des jeunes, leur talent, leur courage. Un poète habité par une musique verbale pareille au chant des muscles. Il navigue de stade en stade, son attirail de scribe avec lui partout, de pont en pont de bateau, vraiment un avatar des peintres itinérants d'autrefois, de l'Angelo Bronzino de Dominique Fernandez dans "La société du Mystère" ' -Livre de poche, 2019-, ou bien des violoneux centre-européens errant de fête en fête dans le Moyen-Age improbable de n'importe quel romantisme... Mais non, "Pindare" n'est pas comme ça…  ET M. Y n'y donne pas non plus dans le misérabilisme, le vertige imaginaire, le brossage baroque d'une fresque ethnique/ géographique aux motifs dépareillés, comme "L'année prochaine à New -York - Dylan avant Dylan-"  d'Antoine Billot, Arléa, 2017...  Mais pourquoi dénigrer un livre que je laisse tomber chaque semaine depuis un mois après en avoir parcouru dix pages… Il a tant de charme - pour ses infos vraies ou inventées, son style compliqué - que huit jours après, j'y reviens… Avec "Pindare" donc, Marguerite Yourcenar poursuit un motif scolaire sur fond de Parthénon et de lyres (?) homériques: surlignage de lumières blondes, de senteurs de miel, de serpents, de perfidies au citron, de claquements de vols de gypaètes, de vent du large, silhouettes de discoboles, garçons faisant la course, vainqueurs à la lutte, vainqueurs à la course des chevaux montés, vainqueurs à la course des garçons (comme si les courses de filles  existaient à l'époque) dont elle parle avec moins de sous entendus que si elle s'appelait  Winckelmann.

Oui, Yourcenar est vraiment bonne. Je préfère "Pindare" aux "Nouvelles Orientales",  à "Feux",  et à "d'Alexis ou le Traité du Vain Combat". "Pindare" est même plus facile à lire que "Les Mémoires d'Hadrien". J'ai donc déterré en supplément "Pindare/ Olympiques, tome 1", Les Belles Lettres, Paris, Budé, 2017, acheté dans le hall de l'Institut Lumière lors du festival "Cinéma, Sport et Littérature". Texte établi, traduit par Aimé Puech, Membre de l'Institut.  La biographie introduisant au volume est un délice. Chaque fois que je vois un tel nom accolé à un de l'antiquité grecque, je ressens la même impression de sécurité et d'indifférence-. Inutile de se fatiguer à représenter la région où on a été en classe, d'autres l'ont fait avant nous… Golfe du Lion… Visage de Monsieur Pellicer face aux élèves de première année de lettres classiques, l'hiver juste avant mai -68, - bonté, intelligence, indulgence-, à nouveau une assistante commente l'aura d'un gros livre -sa thèse-, tout juste si on savait le sens du mot…: "Natura et Phusis" qui a expédié son auteur dans la Voie Lactée, son nom à présent brille près de celui d'Aristote, Platon, Socrate, Archimède mais l'assistante nous conseille dans le couloir - après la manif de l'Amphi I, dont nous sortons sans avoir rien compris aux harangues... Pelouse couverte de guitaristes à demi couchés pas loin du resto U Vertbois -. Donc elle conseille de regarder du côté des gauchistes parisiens qui ont quand même une autre niaque … C'était juste le lendemain des manifs Sauvageot etc.  Les années suivantes, dans les bacs des disquaires de Montpellier: Melina Mercouri, un nom couplé avec Jules Dassin, Nena Venetsanou, Mikis Theodorakis, Manos Hadjidakis, tellement plus nostalgique mais depuis trois, quatre ans déjà, "Zorba" avec Anthony Quinn (vu en juillet à Saint-Lary, au moins l'affiche) et le sirtaki cartonnaient…  Atahualpa Yupanqui en livres bilingues, comme Cicéron ou Plutarque, ce n'était que justice, ses disques dans "Le chant du monde": "Campesino", "Soy libre, soy bueno", "El pintor", Unamuno "Le sentiment tragique de la vie" en poche etc. Ecrire des centaines de pages pour analyser deux mots ("Natura" et " Phusis"). Qui sait? Des milliers de pages, si on compte les brouillons, et conserver un sourire comment, en fait? amusé? en coin? poli? apolitique? réservé? secrètement engagé? au quotidien, même au mois de juin, de septembre, avec ces grèves partout…  des grèves commencées dans l'antiquité grecque (avec Lysistrata). Et le "Chant des Oiseaux" joué par Pablo Casals, n'était ce- pas une commémoration comme certaines A.G, surtout à l'époque, avec Franco de l'autre côté? Et depuis Ax-les-Thermes, sur une piste d'Andorre, quatre ou cinq ans plus tard, on la verrait bientôt la différence radicale - tout étant politique - entre certain. e. s qui serraient les dents comme aujourd'hui Martin Fourcade, montant en canard quel que soit le dénivelé, au lieu de se ruer sur les remonte-pentes dont le prix n'est pas donné non plus!!! Car "partout va resplendir, grâce à l'arène d'Olympie, la gloire de Pélops. Là se juge la vitesse des jambes et la hardiesse endurante de la force. Puis le vainqueur, toute sa vie, savoure le miel de la félicité." (p.31),"Première Olympique", ed . A. Puech, Budé, 2017, première édition 1922, corrigée juin 1930.

En avant dernier: les "Mémoires olympiques" de Pierre de Coubertin, préface de Pascal Boniface, première édition 1931, Bureau international de pédagogie sportive, ed. Bartillat, 2016. La "religion du sport" mentionnée dans un discours (p.228) à Olympie, en 1927, avec ses romanciers: Montherlant, Kessel… "Le sport n'est pas un objet de luxe: il est l'apanage de toutes les races"(p.233). ("Légendes, chapitre XXIV".) Le chapitre "l'Appel aux Lettres et aux arts", en 1906 (p.84) mentionne l'invitation "à venir étudier dans quelle mesure et sous quelle forme les arts et les lettres pourraient participer à la célébration des olympiades modernes et, en général, s'associer à la pratique des sports pour en bénéficier et les ennoblir" (p.92), avant l'existence d'"olympiades ouvrières" en doublure de "l'organisation capitaliste"(p.232). Combien d'interprètes du rôle/ de la fonction/ du métier de Pindare sur les ondes, en films, en disques, en reportages, en livres au XXème et début du XXIème? Lola Lafon - avec Nadia Comaneci -, Werner Herzog, -un film sur le saut à ski en Autriche vu il y a deux ans environ à Lumière-, "La solitude du coureur de fond" de quel romancier anglais, combien encore? Qui commente aujourd'hui, où, en quels termes, l'absence de JO à venir? J'aimerais bien les lire, vraiment. Déjà quinze jours au moins que je ne vois plus de joggeurs de ma fenêtre, ni le matin, ni le soir.

En dernier lieu, Proust, en pose. u. r de Pindare…

Ironique? Même pas, sans doute. Il regarde de jeunes golfeurs à Cabourg et compose une ode à leur groupe, sur papier à en-tête du Grand Hôtel. Pareil à Colette face aux skieurs, il voit leurs ailes. "Comme à l'automne on voit tant et tant d'hirondelles/ Se joindre, consulter en agitant leurs ailes/ Ainsi tous rassemblés en groupes peu modestes/ Vous poussiez de grands cris, en faisant de grands gestes/[…]Puis les mots criés forts, de golf, de championnat/[…] Parfois Delaunay seul et plus mélancolique/ Au visage d'une pureté très classique/[….] Se promenait ainsi qu'en Grèce un jeune sage […].

Toutefois, une page plus tôt, tout est limpide déjà, la beauté des jeunes sportifs lui fait entrevoir une postérité de lecteurs, de créateurs semblables à lui. "Ce soir je pense à vous, jeunes gens de Cabourg./Qui, quelque jour peut-être aimeront plus d'un livre /De moi, lorsque j'aurai cessé de vivre[…] Qui sait si l'avenir, sous vos faces rieuses/ Ne cache pas de grandes choses sérieuses/ Et si de ces golfeurs, agrandi par l'amour,/Ne se détachera pas un poète, un jour!" (p.159-160). Photo bien choisie, dans le médaillon sépia typique début XXème, pour la couverture de ce volume :"Marcel Proust, Le mystérieux correspondant et autres nouvelles inédites", Edition de Luc Fraïsse, Fallois, 2019. Un jeune homme si faible, si benêt dans sa douceur épuisée, l'effort produit pour sourire ... On pense surtout  à l'effort fourni dès l'enfance, pour respirer, couché de jour, avec des livres, des cahiers, la compagnie de sa mère, de sa grand-mère, de Françoise. Le temps volé pour sa prétendue pétulante, extravagante vie mondaine de jeunesse, n'a pas dû être plus abondant que le temps passé en classe, au lycée (il était absent la plupart du temps, pour maladie) et pourtant, baccalauréat, examens, deux licences même, avant ou en parallèle de  ses livres.... Si on ne peut pas appeler ça du sport ...

 

 

 

Voir les commentaires

2020-03-29T13:25:10+02:00

Dans la cabine du bateau

Publié par montanié julie

Le deuxième bateau d'Alain Gerbault, l'auteur de la première traversée de l'Océan, d'Est en Ouest, a été acquis avec ses droits d'auteur de plusieurs livres (dont "L'Evangile du Soleil"). Mais c'est l'embarcation de son premier exploit qu'il dépeint avec amour,  agrémentant sa description d'un schéma de profil (voir "Seul à travers l'Atlantique" Bernard Grasset, 1924). Les termes désignant les parties du "bateau le plus étroit qui ait franchi l'Océan" sont:  -Grand-Voile, -Flèche, -Gut ou Guf?, -Clin foc?, -Foc, -Trinquette, - Beaupré,- Sous barbe. Des parties sont numérotées/ nommées en légende mais ne sont pas qualifiées en corps de dessin: 1-Ecoute, 2-Etai de flèche, 3- Bras d'étai, 4-Point d'amure (p.18 de mon édition pour la Jeunesse, copyright, 2 ème trim. 1960). La fin comporte quatre pages de lexique ("destiné à ceux qui ne connaissent pas la mer"). Les termes vont de "AMURE: manœuvre qui retient le point inférieur d'une voile du côté d'où vient le vent. Faire route tribord ou bâbord amures, c'est recevoir le vent par tribord ou par bâbord" à "TRIBORD", en passant par  "CORNE", "DRISSES", "EPISSURE", " LOCH", "PAUMELLE". 

" Le Firecrest est solidement construit en chêne et en bois de teck (voir Appendice). L'appendice révèle une série de cinq dessins sur une page. Au recto: une  coupe verticale, une coupe horizontale, Au verso: une coupe de la cabine (regardant vers l'avant) puis une deuxième coupe de la cabine (regardant vers l'arrière), enfin un schéma du pont du Firecrest avec sa légende: 1 -Soute aux voiles, 2-Clairevoie, 3- Descente, 4- Mât, 5- Panneau du Poste avant, 6-Beaupré, 7- Boussole. Si on fait soigneusement tourner les dessins en se laissant renvoyer de page en page pour vérifier la configuration d'un détail, tout se recoupe.

Est-ce nécessaire? Alain Gerbault décrit aussi avec des mots son "gîte flottant". Trois compartiments. A l'arrière comme à l'avant, bois précieux conçus pour le sec quoique l'eau douce soit prévue, en renouvelable (sous le pont, il pouvait entreposer l'eau de pluie).

"A l'arrière, ma cabine avec deux couchettes, sous lesquelles il y a deux coffres. un lavabo reçoit l'eau d'un réservoir de cinquante litres établi sous le pont. Les boiseries de la chambre sont en acajou et en érable moucheté. Des deux côtés, des casiers sont pleins de livres. En avant de la cabine et au centre du bateau, un salon au boiseries d'acajou et d'érable. De chaque côté, des placards renferment mes trophées de tennis. Au centre, une table pliante"

Pas d'autre domicile ("mon bateau est ma seule résidence") et ses auteurs préférés. Soit "La Vie de Jésus" de Renan ("la plus belle aventure qui fut jamais au monde") les poèmes d'Edgar Poe, Loti, Farrère, Conrad, Stevenson, Connoley, Jack London, Shakespeare, Kipling, Verhaeren, Platon, Shelley, Villon, Lord Tennyson, John Masefield. Tous ces auteurs, il les classe en fonction de "la manière dont ils ont compris la mer". D'abord Jack London, qui ne fut jamais un marin dans l'âme mais "toute sa vie un amoureux de l'aventure et du grand air". Ensuite, Oscar Wilde (rapport avec la mer?) dont il a jeté une fois les livres par dessus bord, conservant tout juste la "Ballade de la Geôle de Reading", Stevenson, pas marin dans l'âme non plus "excepté son remarquable poème: Christmas at Sea". Puis Victor Hugo, dont la critique m'a intéressée, parce que "L'homme qui rit" était l'automne dernier au programme du club de lecture que je regrette en ce moment de ne pas pouvoir retrouver avec ses participant.es, un énorme pavé qui m'a éblouie, surtout dans l'évocation du naufrage, au début. Qui doute de la puissance quasi-surréaliste de l'imagination de Hugo, doit se procurer le texte de cette tempête noire et blanche, pré-nervalienne ("La nuit sera noire et blanche" a noté Gérard avant de se pendre), aveuglante, métaphysique. P. Albouy avait raison, disant à peu près en amphi à Montpellier - on n'était jamais que des première année- : la prose de Hugo, un tel mauvais goût mais une imagination inouïe, quelle vision...

Voici ce qu'en dit Alain Gerbault. "Victor Hugo a souvent d'étonnantes descriptions. celle de la tempête, dans "L'Homme qui rit"  a produit sur moi une profonde impression. Cependant presque tous les termes techniques sont faux. Le cyclone tourne dans le sens inverse de celui qu'exige la nature. Ainsi certains tableaux de peintres sont admirables, bien qu'ils violent toutes les lois de la perspective" (p.23). Shakespeare et Kipling "excellents peintres de la mer, connaissent à fond tous les termes maritimes" et commettent peu d'erreurs techniques. Alain Gerbault en signale cependant une pour chaque auteur: Shakespeare fait partir les navires "de ports de Bohême" et Kipling pratique une faute analogue dans "le poème de la route vers Mandaley."  James Connoley décrit "merveilleusement la vie des pêcheurs de la côte". Pierre Loti est magnifique, dans "Pêcheur d'Islande" et "Mon frère Yves" quoiqu'il regarde trop souvent la mer " en officier du haut de la passerelle d'un navire". Herman Melville est méconnu, à peine redécouvert à l'époque de parution du livre de Gerbault (1924). Conrad décrit en artiste tempêtes et typhons. "J'aime beaucoup 'Jeunesse' mais il n'est pas de mes auteurs préférés, car à mes yeux il présente tous les défauts des écrivains slaves". Psychologie compliquée des héros, lui -même n'a jamais su écrire simplement, considère A.G.  Les contes maritimes d'un ancien marin: Bill Adams, sont signalés. Et toutes sortes de ballades. "La ballade est la forme poétique la plus propre à dépeindre la vie des marins". Dans sa bibliothèque, Alain Gerbault compte "toutes les anciennes complaintes de matelots et les vieux chants de la marine en bois qui servaient à accompagner la manœuvre des voiles". La ballade de l'ancien marinier (Samuel Taylor Coleridge): un chef d'œuvre en anglais égal en beauté au "Corbeau" de Poe. John Masefield aimé "entre tous pour ses poèmes d'eau salée" ("Fièvre marine", "Complainte du Cap Horn") et puis un antique: Antiphile de Byzance, qui a écrit il y a des siècles: "Oh! avoir une natte au plus mauvais coin du bateau, entendre résonner sur ma tête les panneaux de cuir sous le choc des embruns… Donne! prends! Jeux et bavardages de matelots. J'avais tout ce bonheur, moi qui suis de goûts simples" (p.25)

En bref, la cabine de "Seul à travers l'Atlantique" contenait quatre mètres de littérature, "ce qui signifie environ deux cents volumes". (p.21)

La traversée a été préparée, sur la fin, en quinze jours à Gibraltar, en recourant aux services d'autorités britanniques. Avant le départ, A.G. a envoyé à ses amis une carte postale portant la liste suivante: " -300 Litres d'eau, - 40 kilos de bœuf salé, -30 kilos de biscuit de mer, - 15 kilos de beurre, - 24 pots de confiture, - 30 kilos de pommes de terre". Il n'a pas précisé sa destination. "Deux intimes seulement" connaissaient son but: l'Atlantique sans escale (p.40). Arrivé à New-York après cent un jours de voyage depuis Gibraltar, soixante-douze heures (les dernières) sans dormir ni quitter la barre, il se sent sonné mais projette d'autres périples. Côté cuisine à l'avenir, pas d'eau enfermée dans des barils de chêne mais dans "des réservoirs en fer galvanisé", pas de viande "sauf du lard fumé ou du bacon". "Pas de conserves en boîtes sauf du lait, du riz, des pommes de terre, du beurre salé, des confitures et du biscuit". Un nouveau réchaud à pétrole qui sera à pression et entièrement démontable (p.184). Il veut ajouter encore "une arbalète à poissons", des "armes à feu", "un petit cinéma et deux kilomètres de films contenus par rouleaux de vingt-cinq mètres dans quatre-vingts boîtes en zinc, un appareil à pellicules entièrement métalliques" (p. 185). Pour finir, des sextants différents, de type britannique, d'autres sortes de chronomètres: des "montres de torpilleurs, du type en usage dans la marine".

Ai-je jamais aimé ce bouquin, offert à quelle occasion? Sans doute avais- je déjà l'âge de dédaigner lire "La Bibliothèque verte" et même la Rouge et Or (à partir de 10 ans), pourtant adorée mais jusqu'à quel âge? - Ah! "Momo, fille des montagnes" qui m'avait appris l'existence des moulins à prières tibétains… "Maroussia" qui parlait de champs de blé d'Ukraine. La série des "Puck" qui fait imaginer qu'en pension au Danemark, on court peut-être la chance d'apprivoiser des pies voleuses en parc de récréation, des pies attirées par ce qui brille, qui volent chez les milliardaires bracelets d'argent et diamants pour les placer dans leurs nids, Un oiseau qui avait sûrement inspiré, outre des opéras, la marque de bonbons "La pie qui chante"... Sans parler de la Bibliothèque Rose, en fait cartonnée de jaune ("Les deux nigauds", "Le bon petit diable", "Le général Dourakine").

Au début du CM2 déjà, l'année précédant la date de copyright du livre d'Alain Gerbault version bibliothèque verte (1960), la maîtresse proposait aux élèves restant à l'étude de leur ouvrir la bibliothèque de la classe: avec ses gros livres sans illustrations. "Le Voyage de Nils Holgersson" par exemple, où laisser un marque-pages pour continuer le lendemain. Rien n'égalait le silence de cette salle d'étude, griffé par le crissement des plumes sur la peau striée des cahiers, le choc cristallin du fer touillant l'encre violette dans les godets de faïence/ porcelaine? blanche encastrés dans les pupitres. Avec en profondeur, le bruit du vent de Narbonne - ville la plus venteuse du monde-,  sifflant, grondant à travers les feuilles des platanes de la cour. Rien à part le silence du grenier, face au grillage de la fenêtre donnant sur les toits aux tuiles déteintes, au dessus: carré de ciel bleu, où lire les ouvrages de la bibliothèque verte, déposés en pile (deux-trois), près d'un gros caillou. La cabine de teck, d'acajou, de bois d'érable était une cabane de carton à deux battants -vestige d'un grand colis renversé-, deux  moitiés de couvercle à refermer comme des portes, lecture finie.

Et voilà un autre "Bibliothèque verte": "Chevrette et Virginie" de Françoise d'Eaubonne, copyright 3 ème trimestre 1958 ! Il est question là aussi de trois-mâts et de naufrage, par une tempête effroyable. Résumé rappelant la trame -sexualité mise à part - d'une intrigue de Nina Bouraoui, affichée ces jours-ci en ligne, à côté des pépins affrontés par le prince Harry/ Meghan Markle, à peine plus bas que les derniers chiffres de contaminés Covid-19.

Personnages: un jeune caissier protégé tout juste par des gants offerts (une cliente), travaille la peur au ventre. Deux amies  qui s'engloutissent dans une passion confinée après avoir choisi l'appartement à la meilleure lumière, la meilleure surface, peut-être le meilleur balcon. Un simple extrait sans vraie suite mais d'une écriture alerte, un prélude sûrement à beaucoup de romans, nouvelles, esquisses, films, séries à paraître sur thème et fond de décor de coronavirus. 

Voir les commentaires

2020-02-10T17:45:58+01:00

Donc, elles lisaient, petites filles...

Publié par montanié julie

ou jeunes... - sans qu'on sache pour autant ce qu'elles lisent à présent, ou liront mères- grands ... Il s'agit des trente personnes interviewées par le livre d'Annick Cojean: "Je ne serais pas arrivée là si..." Grasset 2018-2019, aujourd'hui en poche...

Amélie Nothomb lisait "Les jeunes filles" de Montherlant: "ce livre phare de mon adolescence qui me faisait refuser avec horreur l'idée de devenir une femme"(p.29, éd. de poche). Je garde le même souvenir de cet ouvrage et de ses pareils: "Pitié pour les femmes", "Le démon du bien." Est-ce bien Josette Clotis, beauté blonde aux yeux transparents, mère des deux fils de Malraux, qui a servi de modèle pour la ridicule Andrée Hacquebaut, héroïne d'un roman de Montherlant sur les femmes? Je crois l'avoir lu dans "Le cœur battant" écrit par son amie intime, après sa mort, vers trente ans - sous les roues d'un train démarrant en gare... Mais sans doute ai-je confondu. Amélie Nothomb dit aussi avoir décidé de consacrer une thèse à Bernanos.

Christiane Taubira ne cite aucun auteur, aucune lecture, elle est pourtant  docteur en sociologie. Elle écrit que sa mère, très pauvre "s'est endettée sur deux ans pour payer la grande encyclopédie". (p.37)

Patti Smith: "Vous n'avez pas l'idée de l'importance qu'ont pu avoir les livres dans mon enfance". Ses titres: "Pinocchio, Peter Pan, Alice au pays des Merveilles, le magicien d'Oz, les Quatre filles du Docteur March"(p.43-44). En p.45, elle cite Sylvia Plath. 

Virginie Despentes ne lisait rien? En tout cas, elle n'en parle pas. 

Juliette Gréco, rien non plus. A 15 ans, elle fréquentait Sartre qu'elle censurait sèchement (il lui écrivait des chansons trop longues).

Les livres "ont été les premiers amis" de la pianiste Hélène Grimaud (elle ne cite aucun titre). Je crois que ses parents enseignaient en fac.

Claudia Cardinale ne mentionne aucun livre. Pourtant, elle se serait bien vue "institutrice dans le désert"(p.86).

Joan Baez, rien. Pourtant, il me semble qu'elle a été étudiante. Collée à la fin de sa première année où elle passait son temps à répéter ses chansons.

Asli Erdogan a appris à lire et écrire seule, à quatre ans. Elle a ensuite passé des journées à lire, à écrire secrètement des poèmes envoyés par sa grand mère, à son insu, à une revue d'Istanbul qui les a publiés, quand elle avait dix ans. Elle en a été traumatisée. "J'ai stoppé net mes travaux d'écriture" (p.105). Ensuite, physicienne le jour, elle rédigeait la nuit des nouvelles. Pas de mention de livre qui l'ait marquée dans l'enfance ou plus tard. 

Dominique Blanc, qui a joué "Phèdre" sous la direction de Patrice Chéreau, s'est passionnée pour les travaux de Bruno Bettelheim dont elle semble avoir lu l'oeuvre (p.118).

Delphine Horvilleur, "l'une des 3 seules femmes rabbin de France", mariée, mère de trois jeunes enfants, auteur et conférencière, "piquait des livres dans la bibliothèque de ses parents" et lisait la nuit "Elie Wiesel à la lampe torche sous les draps" (p.128). Dormait-elle dans la même chambre qu'une ou plusieurs de ses sœurs, prête à se plaindre, en cas de lampe de chevet allumée ou à la dénoncer aux parents? Annick Cojean est très forte. Elle a le don de provoquer l'identification du lecteur/ de la lectrice. Et voilà qu'on pense aussi à la lampe torche qui réveillait la championne de patinage Sarah Abitbol.

Nicole Kidman avait déjà lu bien des romans à 11 ans et "s'engouffrait" dans leurs personnages. Sa mère a été son coach. "Elle m'avait fait une liste de grands classiques français, anglais, russes, et je rayais les noms au fil de mes lectures: Flaubert, Dostoïevski, Tolstoï" (p.148).

Chic, Agnes b.... "Elevée à Versailles, elle lisait Saint-Simon"(p.154). Elle a épousé un éditeur (C. Bourgois).

Eve Ensler, qui a écrit la pièce "Les Monologues du Vagin", 1996, rouée de coups, d'humiliations et de viols -par son père- (p.165) ne cite aucun titre. 

Anne Hidalgo dit que ses parents ont fui l'Espagne franquiste pour retrouver dans la France la "patrie de Victor Hugo". Elle a étudié le droit mais n'évoque aucune autre lecture. 

Cecilia Bartoli: pas de mention de livre lu. 

Michaëlle Jean, qui a occupé le poste de secrétaire générale de la Francophonie entre 2014 et 2018, "sait que l'avenir de la langue française est l'Afrique". Dans son pays (elle est née à Port-au-Prince), "les gens portent le nom de Rousseau, Voltaire, Apollon". Un petit fils de sa grand mère " René Depestre est d'ailleurs devenu l'un des grands écrivains de la francophonie" (p.193). Elle ajoute que la Francophonie n'est pas une idée de la France, mais du Cambodgien Sihanouk, du Sénégalais Senghor, du Tunisien Bourguiba (p.202). Elle ne mentionne pas ses propres lectures. Qui n'a pas été impressionné.e par Senghor? A mon entrée en sixième, le premier poème à apprendre par cœur était de lui... ("Prière de l'enfant noir ": "Seigneur, je ne veux plus aller à leur école..."). Sans ce poème, je ne me serais sans doute pas précipitée, en sixième, en quatrième? sur "Black boy" de Richard Wright, en traduction française et en poche.

Marie Paule Pietragalla, étoile du Ballet de Paris et chorégraphe, a été marquée par les écrits d'Isadora Duncan, danseuse... relation amoureuse avec le poète russe Essenine mais M. P. Pietragalla n'en dit rien... 

Marianne Faithfull plutôt snob?... "Fille d'un officier britannique et d'une aristocrate autrichienne". Pas un livre évoqué.

Hiam Abbas, née en Israël, Palestinienne. Son père instituteur "a débarqué un jour avec un camion de livres et en a tapissé un mur pour ses enfants". Elle achète aujourd'hui des livres partout, dont elle tapisse son propre logis. Sans précision. 

Véronique Sanson. Sa mère "lisait vite, retenait tout, avide d'apprendre. Une véritable encyclopédie". Rien sur elle-même et les livres.

Vanessa Redgrave ("qui brûle encore les planches, à quatre-vingts ans, en interprétant Shakespeare"), (p. 246). Pas de livre cité. Mais la pièce écrite à l'âge de 6 ans par un garçon dont les parents étaient professeurs à Oxford. "Il adorait le théâtre". Elle a été son actrice, à l'âge de 4 ans et demi. Elle devait dire "un monologue effrayant"."Je ne savais pas écrire mais je savais lire." 

Angélique Kidjo, chanteuse. Pas de lecture évoquée. D'ailleurs "rien n'est écrit chez nous"(au Bénin), (p.258). Bizarre.

Laure Flessel, championne d'escrime, ministre des sports en 2017-2019, avant Roxana Mărăcineanu."Avez vous des modèles? - Nelson Mandela, - Maryse Condé, cette écrivaine guadeloupéenne que les Américains vénèrent et dont l'ouvrage "Moi, Tituba, sorcière... Noire de Salem" a été mon livre de chevet." Laura Flessel dit du bien de Christian D'Oriola (p.274). 

Brigitte Bardot a écrit un livre testamentaire: "Larmes de combat". Elle ne semble pas avoir beaucoup lu mais Marguerite Yourcenar lui a écrit, est même venue la rencontrer à la Madrague. Elles ont entretenu une correspondance jusqu'à la fin de la vie de Yourcenar, qui souhaitait qu'elle serve d'enseigne à son combat contre le massacre des phoques. Yourcenar avait promis de lui envoyer des livres et lui a fait parvenir "Le temps, ce grand sculpteur". "Surtout, ne lisez pas 'Les Mémoires d'Hadrien.' C'est trop compliqué, vous n'aimerez pas. [...] Je veillerai à vous en choisir des (livres] charmants que vous allez très bien comprendre." (p.286)

Françoise Héritier, première anthropologue femme entrée au Collège de France, a été marquée par le séminaire de Claude Lévi-Strauss, à vingt ans, quand elle étudiait l'histoire-géographie. Pas de livres précis signalés mais la réaction de ses parents face au choix de sa profession/ vocation/ carrière: "Je crois qu'ils n'ont réalisé ma compétence dans un domaine que lors de ma leçon inaugurale au Collège de France, en 1983, lorsque j'ai succédé à Claude Lévi-Strauss. Mais c'était un peu tard..." [...]"Ma mère a continué de dire: ' ma pauvre fille, tes livres ne sont pas pour moi'. Elle n'en a lu aucun"(p.303]. Après  ses ouvrages "sur le masculin/féminin et autres travaux sur ce thème" [...] elle a "publié deux petits livres 'Le sel de la vie' et 'Au gré des jours'" (p.312) qui évoquent les petites joies du quotidien.

Albina du Boisrouvray a lu Betty Friedan. 

Marlène Schiappa, qui a crée le réseau "Maman travaille" a été abonnée par son père à "Informations ouvrières". Sa mère rêvait de la voir fonctionnaire bibliothécaire de catégorie B. Titulaire d'un VAE de l'université de Grenoble, elle a envisagé un doctorat sur Flaubert. C'est elle qui a écrit "La culture du viol". Et puis, mention de "Balance ton porc", affaire Weinstein etc. A trente-cinq ans, elle avait écrit dix sept livres. Pas de mention d'autres lectures de jeunesse ou d'enfance qu'"Informations ouvrières". 

Nina Bouraoui. "Je cherche des modèles, il y en a si peu. Je lis les Colette. Je découvre le "Puits de solitude" de Radclyffe Hall [...] puis "Carol" de Patricia Highsmith qui va devenir mon livre de chevet (p.347).

Dommage  qu'Annick Cojean n'ait pas aussi interviewé Christine Caron, qui a écrit ses mémoires préfacées par Johnny Hallyday. Peut-être lisait-elle, en se reposant sur son transat entre deux entraînements (voir YouTube), en attendant l'avion aller ou retour Tokyo, en -64, une fois abandonnée la pose de sa photo noir et blanc, visible en grand format à Lyon - Lumière -  la semaine dernière. Le plus touchant, dans cette photo d'une jolie adolescente douce, polie, bien élevée, c'est la coupe blonde au carré à peine bouclée sous l'oreille, celle de Sylvie Vartan sur la pochette de son 45 t. à peu près ces années-là: "Si je chante, c'est pour toi..." Sylvie copiant Christine, Christine disciple du look de Sylvie ? 

 

Voir les commentaires

2020-01-30T10:01:57+01:00

Chanson de couche.s d'ozone (lyrics)

Publié par montanié julie

De même que le trou de la couche d'ozone se referme, et même - dirait-on- plus vite que prévu, chantons tous le plastique en train de se déliter, non en nurdles pourris, opaques bulles d'agate, billes toxiques/ perles qu'on n'enfile même pas sur cordons de cuir marin pour remplacer les autres, nées en muqueuses-mollusques que les siècles ont léguées, nurdles prêts à tuer sur la plage de l'air respiré chaque jour, mais en interdictions hautes comme la lune (qui est déjà en plastique à en croire sa couleur)...

Plus de plastique du tout ou juste, juste, juste filtré et distillé par des tubes de bambou ou par des cannes à sucre! Et rien que pour les jouets ou les traitements d'urgence. Du plastique biosourcé qu'en fin de vie on mange, on rôtit, on mijote pour s'en fortifier. Disent les chevaliers à demi-métalliques plantés sur les vélos du demi-siècle à venir.

C'est dans ce monde neuf/ vieux, ancien et retourné, cocotte, lessiveuse, bouillotte, tissus raidis aux cires, autocuiseurs, passoires, gourdes inox et chiffons, vélin grisâtre/terni surtout pas purifié, monde d'encres et plumiers, de papier journal qui trousse les fishes and chips consommés sans couvert, soit avec les doigts, pourquoi ne pas renouer avec les gants de fil/de coton/ tout tissu à changer chaque semaine, chaque mois ou chaque heure, pour chaque activité ?... un monde qui tournera autour de la notion mal comprise d'entropie - revenir sur ce mot qui vaut un commentaire, citer Solomon Marcus et Sorin Stati -, qu'on redécouvre déjà la photo noir et blanc, la chanson sans micro, la lecture diffusée en toutes langues du monde du " Consentement"  de Vanessa Springora, et les trente chapitres du book d'Annick Cojean "Je ne serais pas arrivée là si... (trente femmes racontent)" dont certaines signalent une vie transformée par des livres lus jeunes.

Dès que j'aurai le temps, le temps de recopier/ résumer/commenter quelque chose, je les évoquerai. Dès mon prochain post.

(A) dans quelques jours. 

Voir les commentaires

Girl Gift Template by Ipietoon - Hébergé par Overblog